mardi 4 août 2009

[Godefroid] MUKENG’A Kalong : la Trinité est Relations mutuelles.

Exemplarité sponsale du Mystère (1983).
Par F. MUZUMANGA Ma-Mumbimbi
Mgr Mukeng’a Kalong est le même auteur que Godefroid Mukenge qui avait étudié en 1970 le thème de la Trinité et la famille. En 1983, il présente de nouveau le mouvement de la Jamaa (famille) en rapport avec la spiritualité matrimoniale[1]. Pour commencer, l’A. précise le contexte qui a vu naître le mouvement spirituel africain chrétien qui porte le nom de la Jamaa (famille) : 1º. le colonialisme ; 2º. le cléricalisme ; 3º. le rigorisme janséniste qui discréditait la sexualité (p. 314). Autrement dit, la Famille en tant que mouvement spirituel proprement africain est, aussi, une réaction au système réducteur de la personne humaine qui se caractérise par le colonialisme, le cléricalisme et le discrédit de la vie sexuelle[2]. Ce qui est intéressant dans cet article c’est la recherche des fondements du mouvement Jamaa à la fois dans les récits fondateurs, les initiations et les documents artistiques de la RA[3]. Ce sont ces sources que l’A. met en correspondance avec la révélation chrétienne. Les idées-clefs qu’il dégage nous sont déjà connues. Il s’agit notamment de la force vitale, de la fécondité, de la place de la sagesse et de la parole en Afrique, de l’importance de la famille, de la communion et de la communication universelle de la vie[4].
Cependant, pour bien saisir la théologie de Mgr Mukeng’a Kalong, j’opte ici pour une petite comparaison entre Mulago et l’Archevêque de Kananga. Celle-ci tient à la manière dont ils présentent l’exemplarité de la Trinité par rapport à la famille humaine. Il nous faut commencer par ce qui unit les deux théologiens, c’est-à-dire le principe théologique qu’ils ont utilisé : l’exemplarité. Leur raisonnement est celui-ci : « parce que cause efficiente[5], la Trinité est aussi la cause exemplaire[6] (modèle) et finale (finalité ou but ultime) de la famille humaine ». Les deux auteurs ne prennent pas ici la famille africaine comme principe d’interprétation de la Trinité. Leur démarche se veut, de préférence, unidirectionnelle. Cette égalité soulignée, il y a des différences réelles à signaler. Voici le texte clé de Monseigneur Mukeng’a Kalong qui marque la différence dans l’application de l’exemplarité théologale dans la famille africaine.
« La vie en plénitude se trouve en Dieu[7]. Sa surabondance se répand en Père-Fils et Esprit[8], Trinité éternelle, famille sans commencement. Elle a crée sur terre, à son image, la sainte famille de Nazareth, laquelle à son tour est le modèle de toute famille chrétienne sur terre[9] ». Mukeng’a Kalong défend la thèse de deux exemplarités ontologiques et morales. Il introduit une hiérarchie dans la manière dont la famille humaine est à l’image de la Famille sans commencement : la Trinité. L’on pourra reproduire le diagramme de sa pensée de cette façon :
1. Famille éternelle : la Trinité = Père-Fils et Esprit
2. Famille de Nazareth : image (directe) de la Trinité
modèle des familles humaines
3. Toute famille chrétienne : image de la Famille de Nazareth
L’A. montre donc qu’il y a une médiation iconologique entre la famille humaine et la Trinité comme Famille. C’est la famille de Nazareth qui est directement l’image de la Trinité comme Famille. Les autres familles du monde trouvent leur exemplarité dans la communauté familiale de Nazareth. Dans cette perspective, il est impossible de prendre directement les structures et les qualités de la vie des familles chrétiennes comme une analogie immédiate de la Famille éternelle. Mais, quelle est la structure de la famille de Nazareth retenue par l’A. comme image directe de la Trinité ? Cette structure est-elle tripartite ?
Dans l’exemplarité de la famille de Nazareth, il ne retient seulement que « Jésus-Christ et Marie ». L’A. nous met devant une famille binaire : « Fils et Mère, vice versa ». Joseph n’est pas pris dans le diagramme familial. La symbolique du charpentier de Nazareth n’a pas le même poids théologique que les deux autres membres de la famille de Nazareth qui sont considérés comme les archétypes de toute famille humaine. Voici l’extrait qui exprime clairement cette vue :
Dans cette perspective, […] le Christ et la Vierge Marie sont présentés comme archétypes dont il faut imiter l’exemple de vie, des Ancêtres dont nous recevons la vie et avec qui nous vivons en communion, des initiateurs et consommateurs de notre épanouissement en vie chrétienne. C’est ce sens qu’il faut comprendre quand la Jamaa présente le Christ et la Vierge Marie comme l’idéal des époux[10].
Il n’est pas à redire que la perspective est totalement ancestrologique, et donc, familiale africaine. Mais, l’A. prend pour acquis la connaissance de celui et de celle que l’on appelle Ancêtre. A noter ici la dernière phrase de la citation : « C’est dans ce sens qu’il faut comprendre quand la Jamaa présente le Christ et la Vierge Marie comme l’idéal des époux ». C’est le Christ qui est vu comme l’époux de la Vierge Marie. L’A. reprend ainsi la théologie occidentale classique des épousailles du Verbe-Fils avec l’humanité dans et par son Incarnation dans le ventre de la Vierge Marie[11]. Cette option théologique a des correspondances dans sa théologie de la famille trinitaire. L’Archevêque Mukeng’a Kalong parle quasi sur toutes les pages de son article de la paternité surféconde du Père et de la mission du Fils, mais il ne montre pas assez le rôle spécifique et l’identité de l’Esprit-Saint[12] dans cette famille trinitaire. L’A. n’a pas appliqué donc, à strictement parler, le diagramme de la famille tripartite à la Trinité. Son anthropologie familiale qui sert de base analogique va explicitement dans le sens de la famille binaire[13] (Père / Epoux = Christ ; Mère et Epouse = Marie). C’est pour cette raison que les relations familiales africaines qu’il expose ne mettent pas de distinctions strictes entre la parentalité et la filiation.
Donc dans la parentalité même, la paternité et la maternité sont des réalités relatives à elles-mêmes pas nécessairement à un troisième pôle différent de l’époux et de l’épouse[14]. La paternité et la maternité sont un amour pluriel entre les époux[15]. C’est dire que la pluralité et la fécondité relationnelle[16] qui se vivent dans d’un foyer sont de ce type « père – mère – fille – fils ; époux – épouse – ami – amie ; frère – sœur ». C’est ce diagramme dont le contenu est le flux et reflux de la vie qui trouve son exemplarité dans la vie trinitaire[17]. Ce que la famille chrétienne, par la médiation iconologique de la famille de Nazareth, reflète dans et de la Trinité, c’est la vie comme flux et reflux sans fin. C’est dire qu’il faut garder une différence entre la réalisation concrète de la famille et la vie mystérieuse de Dieu en Dieu, tout en sachant que Dieu est le modèle de la vie en famille.
Une des raisons qui fait que Mgr Mukeng’a Kalong n’applique pas l’image de la famille comme « père – mère – fils » à la Famille éternelle tient au fait que pour lui, la fécondité globale est le propre du Père seul dans la Trinité. En plus pour lui, être appelé père ou mère ne signifie pas nécessairement être homme ou femme. En effet, une seule et même personne peut être père pour tel(le) et mère pour tel(le) autre. C’est un cas qui ne demande pas de longues explications car connu de tous et admis par toute notre communauté bantu du Congo. En effet, cette inclusion de la paternité dans la maternité, vice versa, a pour point de réalisation anthropologique d’une part, la personne de la tante paternelle, d’autre part, de l’oncle maternelle. Appelée et se réalisant comme « mère » des ses propres enfants, elle se reconnaît et se réalise également comme vrai et « père » réel des enfants de son frère. De même pour l’oncle maternel. Père de ses fils, il est aussi la mère des fils de sa sœur. Il y a ici une très grande distinction entre paternité, maternité et genre sexuel de l’être humain. En plus, « être à la fois père et mère » est une idée très bien fondée dans la vision cosmologique et anthropologiques africaines. Du point de vue des réalités créées c’est la vision sponsale qui ne les cloue pas dans le déterminisme des genres[18].
Vue cette perspective tant au niveau du nombre parfait et complet (le nombre 2) qu’au niveau des noms « père – mère – fils », l’A. ne pouvait arriver à la transposition stricte de l’analogie de la famille humaine, même pas celle de Nazareth, à la Famille éternelle de la Trinité. La raison est unique. Admettons que l’Esprit-Saint soit Épouse et Mère[19] dans le coupe « Père et l’Esprit », il peut bel et bien devenir « Époux de la seconde personne de la Trinité et Père de ce dernier dans le couple « Esprit-Saint et le Verbe-Fils ou Saint Esprit – Jésus-Christ ». C’est un chemin de garage que Mgr Mukeng’a Kalong n’a pas pris. Mais, le plus heureux de son article tient à ce qu’il fonde l’exemplarité au niveau de l’amour comme fécondité infinie, vie à profusion, sans fixité et fossilisation numérique parce qu’une multifacialité relationnelle sans borne.
Pour terminer, il est à redire que comme pour le professeur Mulago et les autres théologiens congolais, dans le fond de la pensée de Mgr Mukeng’a Kalong on remarque le motif sotériologique de l’exemplarité trinitaire dans la famille humaine : libération de l’aliénation coloniale ; libération du cléricalisme dans l’Église ; libération du mariage de la vision janséniste. Il s’agit en fait de la valorisation du corps en tant que tel. L’article de Mgr Mukeng’a Kalong nous aide également à avoir une autre herméneutique relationnelle des couples ‘‘opposées’’ comme « lumière-ténèbres ; ciel-terre ; homme-femme, etc. ». Cette herméneutique africaine ne se met pas dans le sillage dualiste et donc des pôles constitutifs des couples exclusifs entre eux. C’est dans ce contexte africain qu’il est évident que le symbole de la lumière exclusive de la nuit peut-être pire qu’une lumière qui brille dans l’ombre. Lucifer en est un exemple. Sa lumière est l’équivalent d’ontologie de la lutte contre le sens de la vie. Contrairement à Lucifer, toutes les nuits relatives à l’évangile de la naissance du petit Jésus sont la lumière du monde et la joie du ciel. Ces exemples montrent que ce qui est nuit pour un couple peut devenir lumière dans un autre sans perdre pourtant le fait d’être nuit, échappant ainsi aussi relativisme et au nominalisme absolus.
L’herméneutique relationnelle africaine des couples échappe également aux apories d’une pensée duale qui envisage les pôles en terme de pure complémentarité de deux dans un univers dyadique. En revanche, l’herméneutique africaine des couples envisage chaque terme d’un couple comme un pôle à plusieurs références constitutives. Chaque pôle d’un couple a plusieurs faces parce qu’il se situe dans une constellation plus grande qu’un couple. C’est pour cette raison que la dualité doit être comprise comme une porte mystérieuse qui conduit à la complétude. Ladite complétude est le paradigme essentiel de toute interprétation africaine des mystères, car Dieu est tout en tous.
[1] Spiritualité matrimoniale, cas de la Jamaa, dans AA.VV., L’Afrique et ses formes de vie…, p. 311-337.
[2] Cependant, l’Archevêque de Kananga (R. D. Congo) ne va pas plus loin que ça dans la critique du jansénisme qui discrédite la sexualité. Il pouvait montrer que la sexualité, étant une structure fondamentale à la personne humaine, a été créée à l’image réelle et efficace de la Trinité. L’on sait que la sexualité est différente du sexe, entendu comme genre et des actes sexuels. La sexualité est la manifestation de notre finalité comme êtres appelés à la communion pour notre pleine réalisation. Elle est le signe le plus parlant de notre être-pour-les autres. Dans ce sens, elle est une base fondamentale de la spiritualité matrimoniale et donc un espace chrétien de la compréhension béatifique de Dieu tant dans son être pour nous que son être pour lui-même. Mais, dans le cadre du mariage chrétien même les actes sexuels et leurs plaisirs doivent être considérés comme des actes de réalisation des époux comme personnes alliées sacramentellement. Ces actes et le plaisir qu’ils procurent sont à entendre comme rite et liturgie par lesquels Dieu se donne non seulement comme Créateur, mais aussi comme jouissance, le contenu réel de la communication sacramentelle. C’est dire qu’il est impérieux pour les théologien(e)s marié(e)s d’explorer ce domaine de la sexualité africaine et de se servir de cette anthropologie pour apporter une intelligence nouvelle du mystère de Dieu. Voir, LaCugna M.C., Dio per noi. La Trinità e la vita cristiana, Brescia, Queriniana, 1997, p. 409-410; MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, F., La Santísima Trinidad, p. 22-24.
[3] MUKENG’A Kalong, a. c., p. 315-318.
[4] Ibid., p. 317, note 12 et pages suivantes.
[5] C’est-à-dire, Dieu comme Créateur est l’Origine historique de toute famille humaine.
[6] L’exemplarité se réalise du point de vue : 1º. - de l’être (modèle ontologique) ; 2º. de la qualité d’être (p. e. être saint comme l’est Dieu) ; 3º. enfin, dans le mode d’agir (agir comme le Christ, Fils de Dieu).
[7] A strictement parler « La vie en plénitude ne se trouve pas seulement en Dieu ; car Dieu est la Vie en plénitude. Il est la plénitude de la vie ».
[8] Il est à noter l’ordre (taxis) des personnes divines « Père-Fils et Esprit » ou première, deuxième et troisième personne qui sont la Trinité éternelle. Egalement à observer, le couple « Père-Fils » auquel est ajouté, par la conjonction de coordination « et » l’Esprit. Je pense que c’est une manière graphique de soutenir le Filioque.
[9] Ibid., p. 319. Je souligne. Cite dans la note 16, « G. MUKENGE, Une spiritualité africaine du mariage chrétien chez les Bantu de l’Afrique Centrale : la Jamaa, in Revue du Clergé Africain, mars 1970, p. 160-161 ».
[10] Ibid., p. 316.
[11] Ce thème vient d’AUGUSTIN, Trat. in Joh. 8, 4. Aujourd´hui certains théologiens situent les noces du Christ avec sa Mère sous la croix. Pour les difficultés anthropologiques et dogmatiques africaines qui surgissent de cette théologie des épousailles du Christ avec la Vierge, on lira, MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, F., La Trinité, l’eschatologie…, p. 426-428.
[12] Ibid., p. 328.
[13] Il n’est pas à oublier que l’A. considère le nombre deux comme complétude, perfection et bonne chance. Ibid., p. 325, note 27. Nous avons déjà vu qu’en Afrique, l’unité de l’époux et de l’épouse, vice versa, conduisaient symboliquement (3 + 4) au nombre parfait (7). La perfection du nombre deux comporte donc une autre profondeur symbolique : celle de l’union des nombres cultuels qui déterminent l’identité anthropologique spécifique. GRAVRAND, H., Rites et Symboles, p. 127 ; KOLIE, C., Jésus guérisseur, dans KABASELE, F., DORE, J., LUNEAU, R., (éd.), o. c., p. 167-194, p. 180.
[14] Ibid., p. 331, met l’accent sur la relation sponsale comme rencontre dont le contenu est le « flux et reflux de la vie ».
[15] Ibid, p. 325. Ici s’agit ici de la même idée que nous avons trouvée chez Mulago.
[16] Ibid., p. 321.
[17] Ibid, p. 325.
[18] Ibid., p. 325, note 27 : « Cette multifacialité de l’amour a peut-être sa toile de fond dans la vision sponsale des choses. Dieu, en effet, selon le mythe bantu de la création, a créé les choses par des paires jumelles, deux à deux, qui se correspondent et régissent l’un sur l’autre. Ainsi le ciel et la terre ; la lumière et les ténèbres ; le soleil et la lune ; la lune et les étoiles ; l’homme à deux côtés : le côté male et femelle. Le nombre deux est complet, parfait et bonne chance. Dans ces paires, l’une des choses a qualité de mâle par rapport à l’autre qui devient femelle. Elles sont frère et sœur, époux et épouse, etc. Telle chose femelle dans une paire peut être mâle dans une autre. Ainsi, la lune épouse et sœur du soleil, devient mâle dans la paire lune-étoiles (Cite, F. FOURCHE et H. MORLINGHEN, Une bible noire, Bruxelles, Ed. Arnold, 1973, p. 1-14). Mais, la véritable source de cette façon de vivre en symphonie (en père-mère-fille-fils-époux-épouse-ami-amie) au sein d’un foyer, se trouve dans la vie trinitaire en Dieu ».
[19] Il est à noter que l’Esprit serait, dans ce cas impossible, « Mère de son Époux (= première personne de la Trinité) ».

1 commentaire:

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