vendredi 23 octobre 2009

La Trinité créatrice dans la thèse de LIBAMBU MICHEL WILLY (2003)

Par Flavien Muzumanga Ma-Mumbimbi


L’importance de l’ouvrage de Libambu publié en 2003 portant sur : « Création et Trinité chez Augustin et Recherches sur les Sources du De Civitate Dei XI [1]», mérite un traitement très particulier. C’est un travail qui, par son objet et sa qualité, s’impose et donc se fait un espace exceptionnel dans la recherche de la jeune patrologie congolaise. En effet, ce travail n’a pas de précédant dans notre pays, car nous sommes ici devant le premier ouvrage de la patrologie congolaise totalement consacré à l’étude de la Trinité en correspondance avec le mystère de la Création. Le mérite de cet ouvrage tient à l’étude des deux dogmes, mais aussi à la spécificité de la patrologie. Cela dit, il nous faire remarquer avant l’analyse de son ouvrage que, comme dans son article ci-haut présenté, Michel Libambu cherche les sources qui ont permit à Saint Augustin de produire le De Civitate Dei de telle façon avec tels contenus et non d’une autre manière avec d’autres contenus. Libambu centre son effort dans la précision des sources et des paradigmes épistémologiques concrets qui déterminent la pratique concrète de la théologie d’un auteur, en l’occurrence de Saint Augustin.
De la structure de l’ouvrage. Le livre est divisé en cinq grandes parties : L’introduction générale (p. 1-16) ; le chap. I (p. 19-59) ; le chap. II (p. 63-118) ; le chap. III (p. 120-171) ; et la conclusion générale et annexes (p. 173-184). Les indications des pages montrent déjà le poids des contenus dans la structuration de l’ouvrage. Ce sont donc, apparemment, les chapitres deux et trois qui l’emportent sur les autres parties du livre. Pour nous en rendre compte venons en à l’analyse des contenus.
Dans son Introduction générale, M. Libambu aborde d’abord la question de la justification de la problématique et son actualité. Il montre qu’Augustin avait abordé le thème de trois manières : l’étude du traité de la Trinité de façon monographique ; de même pour la création. Et en dernier lieu, Augustin affronte les deux traités simultanément comme un seul thème. L’insistance porte sur un seul thème, car Augustin n’a pas laissé de traité sur la Trinité créatrice. Ce qu’Augustin fait, c’est revenir très souvent sur le thème qui unit la Trinité à la création, souligne l’A[2]. Il n’est besoin de dire que l’ouvrage de M. Libambu porte sur cette connexion logique qui marque la dépendance des deux traités. A ses yeux, cette connexion a comme visée de montrer l’unicité de la Révélation. Autrement dit, en unissant le traité de la Trinité à celui de la création dans un seul thème, Augustin montre que c’est toute la Trinité qui est créatrice. En revanche, toute la création porte en elle les traces de la Trinité. La Trinité est insinuée dans la création.
A quoi est liée l’émergence du thème ? Le thème de la Trinité créatrice est déterminé par le contexte polémique dans lequel Augustin avait vécu. Il est, par conséquent, également apologétique. En effet, Augustin opère avec ce thème d’une part pour combattre les thèses des païens et de l’autre pour mettre à découvert les erreurs des chrétiens hérétiques. Ce qui caractérise les uns comme les autres, dira le saint Docteur Africain, c’est l’ignorance du vrai Dieu créateur et trinitaire. Augustin défend l’impossibilité de séparer les trois personnes divines dans leur action dans la création. Pour Libambu, ce qui permet à Augustin d’arriver à l’unicité thématique c’est, en fait, l’unification des divers matériaux théologiques qui ont eux aussi une pluralité d’origines marquée essentiellement par une évolution diachronique[3].
Libambu montre l’actualité de son étude en insistant sur l’intérêt des recherches actuelles pour la Trinité économique, et plus spécialement dans les œuvres augustiniennes[4]. De là, il aborde la question des perspectives utilisées dans ces différentes études du thème qui vont de 1950 à nos jours. L’A. n’opte pas pour la perspective de parenté génétique des grandes œuvres d’Augustin. Par le fait même, l’on ne peut attendre de son étude une perspective comparative entre différents ouvrages d’Augustin. Se mettant dans la coulée de ceux qui admettent la dépendance thématique d’Augustin à la tradition latine qui le précède, Libambu n’opte cependant pas à la limitation de cette dépendance augustinienne aux écrits exégétiques et aux prédications de ses prédécesseurs. En plus de cette dépendance interne à la tradition chrétienne, notre A. prend la voie suivie par ceux qui confrontent la pensée d’Augustin aussi, cela simultanément, et avec les sources chrétiennes et avec les sources païennes. C’est de cette confrontation, affirme Libambu, que se dégage avec clarté l’originalité des thèmes et du langage du livre XI du De Civitate Dei[5].
Quelle méthode suivra l’A. pour aboutir à son objectif ? Libambu répond en disant que c’est l’herméneutique ou la science de l’interprétation. Mais, il ajoutera cette remarque : « […] l’herméneutique n’est pas seulement interprétation ; elle est aussi théorie de la lecture du texte et de son contexte en vue d’une meilleure appropriation du sens. De ce fait, elle s’impose comme méthode rigoureuse et globalisante prenant appui sur l’histoire […] La méthode que nous mettons en œuvre se veut fondamentalement interprétative sous trois moments distincts et intimement liés : la définition du contexte, l’analyse et la problématisation du texte ou la partie critique du travail (le sur-texte) »[6].
Dans la définition du contexte, la recherche se centre sur le monde du texte en vue, tenant compte de la distance du temps et de l’espace, de l’appropriation du sens du texte pour le temps et dans l’espace actuels du lecteur[7]. Dans l’analyse du texte l’objectif est d’arriver à une confrontation avec « la situation littéraire et philologique de la donation de sens plus ou moins proche de la pensée première de l’auteur. Ici toutes les techniques de lecture sont mises en œuvre pour retrouver la structure et l’articulation du sens »[8]. La dernière étape ou la réflexion sur le texte (le sur-texte) est comprise comme « le moment de sélection et de reprise, mieux d’intégration de quelques aspects de l’analyse littéraire et doctrinale, en vue de leur insertion dans une problématique théologique ou philosophique donnée de l’heure […]. Dans cette perspective, une lecture absolument neutre des textes patristiques ne serait qu’un vœu pieux. Chaque patrologue interroge les Pères en fonction de ses préoccupations ! »[9].
La dernière question qu’aborde l’introduction générale de l’ouvrage de Libambu est liée aux « recherches sur le problème des sources dans la Cité de Dieu XI »[10]. L’A. circonscrit son objet d’étude en montrant qu’il n’abordera pas toute la thématique de la théologie trinitaire augustinienne. Les limites de l’étude sont données en ces termes : « Il est exclusivement question de la genèse, de l’articulation et des sources de la doctrine de l’insinuation trinitaire dans la doctrine de la création d’après le livre XI de la Cité de Dieu. Nous posons comme point de départ la doctrine de la création qui a besoin d’être éclairée par l’action de Dieu Un et Trine, et non l’inverse, c’est-à-dire, le Dieu trinitaire dans sa Révélation au monde et aux hommes. Il est bien sûr difficile d’opérer une séparation radicale dans l’approche de ces deux thèmes, pour vu que l’une et l’autre perspectives s’éclairent réciproquement »[11].
L’A. nous donne également les grandes figures qui feront objet de son analyse. Il s’agit de entre autres de Platon (dans Timée) et les platoniciens (Plotin, Ennéades) pour les païens et d’Ambroise de Milan (De Fide et Hexaemeron), pour les chrétiens[12]. Il insiste de nouveau sur sa méthode herméneutique trinaire : expliquer (histoire) qui correspond à son chapitre premier ; comprendre (doctrine) ou le chapitre deux. Il étudie la textualité (support d’expression de la pensée) en vue d’y déceler la théologie d’Augustin mais en suivant la division classique de la rhétorique antique (exordium, quaestiones et epilogus). C’est un chapitre qui décèle la cohérence et la connexion des éléments d’argumentation du texte[13] ; l’interprétation (épistémologie) ou le chapitre 3 dont l’objet est la dérégionalisation de la pensée. Le chapitre est donc critique en vue de l’appropriation des idées d’Augustin dans notre contexte actuel. C’est dire qu’il y a là, une visée du dépassement des limites temporelles et spatiales pour rejoindre les principes universels qui déterminent toute pensée humaine à travers tout le temps et toute l’histoire : l’induction et la déduction[14]. Passons à l’analyse du chapitre portant sur le contexte.
Le chapitre premier porte sur les débats qu’Augustin affronte autour de « l’identité de Dieu ». Pour pouvoir faire sa profession de foi dans sa communauté ecclésiale d’une manière authentique et témoigner existentiellement de l’identité de Dieu de la vraie religion, Augustin lutte contre la conception polythéiste de Dieu du paganisme ambiant (incompatibilité entre l’unicité de Dieu et la pluralité des dieux), sa superstition (incompatibilité entre Dieu considéré comme le Bien Suprême et l’affirmation de la médiation des démons en faveur des hommes) et enfin, l’idolâtrie ou de la confusion faite entre le Créateur et la créature (incompatibilité entre rendre culte au Créateur et le rendre aux êtres crées)[15].
Ceci veut dire qu’Augustin se situe théologiquement dans un contexte d’exigence des controverses liées à des noms des personnes concrètes (Constantin le grand et l’édit de Milan en 313[16], Nectarius[17], Volusien[18], Mani[19], Maxime de Madaure[20], etc.) et des événements historiques concrets (le Concile de Nicée[21] ; sac de Rome en 410, les railleries qui s’en suivent ; l’ébranlement de la foi et la revendication du peuple face à la montée du christianisme[22], etc.). La théologie d’Augustin est également liée à son évolution personnelle, notamment aux événements décisifs de sa vie que sont, entre autres, sa conversion[23] et sa vie comme pasteur ou évêque[24].
A la question dogmatique liée à l’explication de la nature du Dieu trinitaire s’ajoute le motif sotériologique. Dans le débat qui l’oppose aux païens, Augustin va affirmer que l’unicité du salut humain implique l’unicité du vrai Dieu-Trinité et donc, l’absurdité de croire en une multiplicité des êtres mutables comme causes du salut[25]. Le saint évêque montre également l’absurdité de croire en la multiplicité des dieux comme membres de l’unique et suprême Dieu sur base du fait qu’aucune chose créée ne peut faire partie de l’identité de Dieu[26]. D’après Libambu, le critère anthropologique employé par saint Augustin dans la distinction entre la vraie religion et les autres, c’est l’utilisation de la raison et des vertus comme voie d’accès au salut[27].
Contre les païens, Augustin défend la divinité du Christ évitant par là sa réduction tout simplement à une personne qui détiendrait une sagesse exceptionnelle. Le Christ n’est pas à ranger tout simplement dans l’ordre des sages magiciens, il est la voie du salut[28], l’unique médiateur du salut pour parvenir à l’unique Dieu[29]. Mais s’il est la voie du salut, pour quel motif son retard dans sa venue au monde ? La réponse d’Augustin à cette question montre d’abord l’inutilité des sacrifices païens qui confondent Dieu avec les créatures, car cette confusion ne peut apporter le salut.
Dans le christianisme c’est le contraire. Croyant en Jésus, l’on adore l’unique vrai Dieu, sauveur eschatologique[30]. Ce Dieu qui sauve à la fin de cette vie terrestre est également un Dieu éthique qui suscite les vertus et combat la dépravation des mœurs[31]. Contre les païens, Augustin défend donc, l’unicité de Dieu, sa bonté et sa toute-puissance créatrice[32]. Ces mêmes attributs de Dieu qui manquent chez les païens dans la confession sincère de la foi en l’identité spirituelle du vrai Dieu font également défaut dans l’hérésie manichéenne.
Augustin connaissait la secte manichéenne dès le bas âge, mais son adhésion claire et explicite se fait pendant son séjour d’étude à Carthage, loin de Thagaste qui est sa ville natale. Le jugement qu’Augustin fait de la religion de Mani découle de son expérience personnelle dans la secte. Libambu affirme qu’il ne faut pas réduire la problématique qui oppose Augustin à la secte de Mani à la seule question exégétique. Il faut y ajouter des questions doctrinales liées à l’interprétation du credo de la foi catholique[33]. Ce qui oppose Augustin aux manichéens c’est la remise en cause de la nature divine[34].
Il s’agit principalement de l’immutabilité de Dieu, de son incorruptibilité, de sa bonté, la bonté des natures qui proviennent de Dieu ou l’affirmation de la non-existence du mal par nature et la hiérarchie des ontologies créées. Cette hiérarchie dépend du gouvernement et de l’admirable sagesse de l’unique Dieu[35]. L’unicité de Dieu est défendue contre le dualisme des manichéens qui soutiennent l’existence d’un dieu bon et d’un autre mauvais. En effet, la raison et l’autorité des Ecritures nous interdisent de croire en ce dualisme et ses mythes cosmologiques qui détruisent à la fois la bonté, l’unicité de Dieu et l’idée de l’homme image de Dieu[36]. L’authenticité de l’unicité de Dieu est en relation avec la vérité de l’être humain. Ceci signifie que la fausseté doctrinale sur Dieu est en rapport de proportion avec la fausseté intellectuelle et morale de l’être humain, affirme Augustin[37].
Cependant cette corrélation n’implique pas une identité, partielle soit-elle, entre Dieu et l’âme humaine. L’âme humaine n’est pas une substance de Dieu. Augustin évite la confusion entre le Créateur et la créature[38]. Il insiste sur le fait que le combat de Dieu contre le principe des ténèbres, la corruption de Dieu liée à la nécessité de sa défense contre le mal est une contradiction interne, car Dieu est incorruptible. A la question de savoir ce qu’est le mal, Augustin répond en montrant que ce dernier n’est pas une substance. Il est une privation du bien. Il est une corruption de la manière d’être, de l’espèce et de l’ordre naturel[39]. Mais, comment attacher ses débats liés aux attributs de Dieu à la doctrine de la Trinité ? Dit d’une autre manière, les deux Principes manichéens substantiellement opposés, Lumière et Ténèbres, auxquels Augustin s’oppose concerne le premier article de foi : le monothéisme.
En effet, le duel entre le royaume du Bien et celui du Mal menaçait la nature de Dieu fois en tant que ce dernier est tout-puissant et incorruptible. La doctrine manichéenne faisait de ce Dieu un être corruptible et de fait corrompu par la mélange de sa vertu avec le royaume des ténèbres, mélange duquel surgit le monde[40]. D’où la question de savoir comment passer de l’identité de ce Dieu à la Trinité ?
Libambu commence par mettre en lumière le débat christologique qui oppose Augustin aux manichéens. Ces derniers, faute d’une bonne théologie de l’unicité divine, de la provenance du Fils de l’unique substance divine, réduisent le Christ à un simple Porteur des Paroles du salut. Le Christ est un homme, un des plus éminents, qui a été envoyé par le Père de Lumière. C’est l’éternité du Fils qui n’est pas reconnue et professée. C’est aussi le mystère de la mission historique de ce même Fils qui est mal comprise et n’est pas professée. La réduction de la mission du Fils à un rôle purement spirituel est la conséquence directe de cette foi erronée qui n’accepte pas la création du monde par le Christ[41].
La pneumatologie des manichéens est aussi très douteuse et même remarquablement erronée. En effet, ceux-ci identifient Mani avec l’Esprit-Saint. Pour y arriver, les manichéens avaient rejeté une des fonctions du Christ : « être le dernier messager du Père ». Partant de la promesse du Christ sur le Paraclet (Jn 13, 9-10), les manichéens proclameront qu’en Mani, ils ont reçu la pleine révélation de l’Esprit-Saint[42]. Les manichéens tombent dans la confusion ontologique. En effet, ils élèvent un être créé dont la nature est substantiellement différente de celle de Dieu, au rang de Dieu. Il y a une nette confusion entre les fonctions et la nature. Remplir quelques fonctions de l’Esprit-Saint ne signifie nullement être identique à la nature divine de l’Esprit-Saint, nature qu’il partage dans l’égalité avec le Père et le Fils[43].
Libambu souligne que le débat trinitaire entre Augustin et les manichéens tient au fait que les sectaires n’admettent absolument pas d’égalité entre les trois personnes divines. Le Christ et l’Esprit-Saint sont subordonnées au Père de Lumière parce qu’ils n’ont pas la même et unique essence divine. La profession de foi purement formelle des manichéens est un nominalisme vide de contenu dogmatique et sans lien avec l’économie du salut[44]. Dans le De Civitate Dei, affirme Libambu, les manichéens seront donnés comme exemple de ceux qui, par leurs fausses doctrines, sont éloignés de la cité sainte[45]. Ce qui est dit contre manichéens concerne également les ariens.
D’après Libambu, pour comprendre la position d’Augustin par rapport aux ariens il faut, outre l’insistance sur l’intelligence de la foi trinitaire, aborder la problématique de l’Écriture et du credo comme deux niveaux aussi essentiels que le premier[46]. En clair, il ne s’agit pas seulement d’insister sur le primat de l’unité de Dieu à cause l’unicité de son essence. Il faut également y voir la distinction des personnes divines et leur implication dans l’économie. Augustin ne met pas seulement l’accent sur l’essence divine. Il met également le primat sur la distinction des personnes[47]. Mais, pour comprendre la pensée d’Augustin sur cette matière il sied de ne pas oublier les trois niveaux de discours qu’il pose : Trinitas dicatur (Trinité racontée) ; Trinitas credetur (Trinité confessée ou professée) et Trinitas intelligatur (Trinité raisonnée) [48].
La Trinité racontée est celle du niveau de la présentation des personnes divines à partir des récits bibliques. L’on nomme les trois personnes divines en suivant la Révélation scripturaire. L’unité, l’égalité et l’inséparabilité des personnes divines sont confirmées à partir des textes clés de la Révélation, textes déjà mis en évidence par les devanciers d’Augustin. Le deuxième niveau ou celui de la Trinité confessée va de la mission que le Seigneur confère à ses disciples par la formule baptismale de Mt 28, 19.
Le contenu trinitaire de la formule montre la vérité de la profession trinitaire. Dit d’une autre manière, si par impossible la formule trinitaire était fausse alors c’est la crédibilité du Seigneur lui-même qui serait sérieusement entamée[49]. Le passage de la Trinité confessée à la Trinité raisonnée est fonction des besoins de la catéchèse et des controverses. Cependant, si la profession trinitaire est partagée par beaucoup (in Trinitate creditur a multis), son intelligence est donnée à un petit nombre (intellegitur a paucis)[50]. A ce petit nombre qui raisonne sur la Trinité, le saint Docteur africain donne une règle d’or : « croire pour comprendre et comprendre pour croire »[51].
Libambu montre que ces principes se retrouvent dans la lettre 11 (écrite entre 388-390) adrésée à Nébride. Ils se trouvent également dans la lettre 120 adressée à Consentius. De même pour le De Fide et symbolo écrit en 393[52], la lettre 242 de 395 ; le De agone christiano (397) ; De doctrina christiana (397) ; la lettre 169 (plus ou moins 415)[53], etc. Dans tous ces cas, affirme Libambu, c’est la profession de foi qui sert de base de discernement et de contestation des positions hérétiques. Augustin défend la thèse selon laquelle les Ecritures nous présentent séparément les personnes divines sans pourtant nous montrer leur division. La Trinité est indivise et qui plus est, la Trinité est Dieu. Elle n’est pas en Dieu[54]. L’unicité de la substance divine qui est égale dans les trois personnes divines implique également leur unicité dans l’action[55]. Les œuvres du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint sont inséparables.
Tout ce qui est dit précédemment est mis en rapport avec le livre XI de la Cité de Dieu, objet central de l’étude doctorale de notre A. Contre la confusion des personnes divines et les opinions nominalistes qui en découlent et réduisent la Trinité à un nom sans contenu réel (les sabelliens), Augustin défend la distinction réelle des personnes divines. Cependant, contre la séparation, la hiérarchisation et la subordination des personnes divines qui en découlent (les ariens), le Docteur africain défendra l’inséparabilité des personnes et leur égalité fondée dans l’unicité de l’essence divine. Les personnes divines sont inséparables tant dans leur être que dans leur œuvre parce qu’elles sont unies ou en conjonction (coniunctio) absolue liée à leur égalité dans la nature divine[56].
Dans sa conclusion à ce premier chapitre, Libambu insiste sur le caractère dynamique et évolutif du dogme. La question sur l’identité de Dieu chez Augustin est également soumise au contexte très mouvant dans lequel vivait le Docteur trinitaire. Ce dernier était conscient de cette situation car, il considérait le paganisme comme le champ du travail du christianisme ; l’hérésie comme l’épreuve de sa doctrine ; le schisme comme l’illustration de sa stabilité et le judaïsme comme le reflet de sa beauté[57]. La centralité de la vraie religion découle de son principe focal : la connaissance et la profession du Dieu Un et Trine.
Le chapitre deux envisage la doctrine du De Civitate Dei XI. L’A., conformément à sa perspective herméneutique, se situe dans l’étape de la compréhension du texte après l’avoir établi et montré son contexte d’émergence et d’évolution de ses thèmes : la création et la Trinité. La question autour de laquelle se centre toute la pensée de l’A. est la suivante : « Comment justifier les insinuations de la thématique trinitaire dans le livre XI destiné à traiter de l’origine, du développement et des fins de deux cités ? »[58]. Libambu répond à la question en donnant deux raisons qui expliquent les insinuations trinitaires dans la problématique de la création. La première est apologétique[59] et la seconde se rapporte à l’originalité même de la vraie religion chrétienne qui ne peut être autre que trinitaire[60].
Pour démontrer ses affirmations, l’A. se déploie dans l’analyse détaillée de tout le livre XI de la Cité de Dieu. Libambu divise le livre avec ses 34 chapitres en trois parties, suivant la rhétorique classique étudiée par les Pères : exordium (c. 1-3), quaestiones (c. 4-34, 2) et epilogus (34, 3). A chaque partie correspond une problématique. L’exorde aborde la question de la création dans le contexte de l’origine et de l’évolution de deux Cités. La deuxième partie (les questions) approfondit les doctrines chrétiennes de la nature de Dieu et de son acte créateur. Enfin, l’épilogue évalue le processus épistémologique du livre[61]. De cette présentation sommaire, l’A. passe aux détails de chaque partie du livre.
Dans l’Exorde, Augustin veut montrer les principes de son livre dont les points essentiels sont : « la définition biblique de l’expression ‘‘Cité de Dieu’’, le Dieu fondateur de la cité céleste et les sources de la Révélation du Dieu créateur »[62]. Ces principes soulignent la transcendance du Dieu créateur par rapport à sa création. Le fondement biblique[63] de la théologie de la création et du fondement en Dieu et de la fondation par Dieu de la cité céleste est une opposition frontale à la conception néoplatonicienne de la providence qui impliquait l’éternité du monde et sa nécessaire émanation. Pour réfuter cette doctrine qui fait du monde une réalité éternelle, Augustin conjugue le premier article du credo avec la narration biblique de la création dans le livre de la Genèse[64].
Deux nouveaux arguments font leur entrée dans le discours : l’ignorance du Dieu créateur par les nations et l’option volontaire des peuples d’adorer les faux dieux[65]. Le passage de « l’ignorance à la vraie foi » ou de « l’ignorance à l’idolâtrie » détermine la composition des peuples en citoyens de la cité céleste (chrétiens) et les citoyens de la cité terrestre (païens). Dans ce passage volontaire d’un état à un autre, Augustin met en évidence la responsabilité des philosophes[66]. La problématique ne concerne plus le culte, mais les raisons finales de cette pratique : la connaissance du vrai Dieu et créateur, substance immuable qui se situe au dessus des corps mais dont la connaissance se fait par Jésus-Christ ; et l’ignorance qui fait préférer les faux dieux à l’unique vrai. « L’insistance sur la médiation du Christ revêt une importance capitale, tant et si bien que notre auteur veut corriger la doctrine païenne qui professait la médiation des démons entre les dieux et les hommes »[67].
Dans la partie concernant les Questions du livre XI (c. 4-34), Augustin part de la « vérité des témoignages de l’Ecriture non seulement pour guider les catholiques vers la foi orthodoxe, mais aussi pour répondre aux questions suscitées par ses adversaires, païens et hérétiques […] Comme on le sait la création, aux yeux d’Augustin, fait partie des questions obscures de la théologie naturelle qu’il faut aborder avec prudence. C’est dire d’entrée de jeu que la doctrine augustinienne de la création suppose une bonne connaissance de la philosophie de la création qui, comme on le sait, pose essentiellement la question ontologique de Dieu et de son acte créateur »[68]. D’après Libambu, Augustin affronte les questions mais avec une nette volonté d’« aborder systématiquement les textes de l’Ecriture à partir des présupposés dogmatiques clairs »[69].
Dit d’une autre manière, c’est la dogmatique qui offre à l’exégèse ses principes d’interprétation. Augustin répond à la question de la vérité de la création en se basant sur sa visibilité. Mais, le garant de la véracité de cette visibilité est Dieu lui-même et sa parole (Gn1,1). Augustin va donc de la qualité du témoignage et du témoin, se démarquant par là de la théorie du démiurge enseignée par les platoniciens. Il se démarque également de la théorie de l’éternité du monde[70]. A la question posée conjointement par les païens et les manichéens portant sur la raison du passage de l’éternité au temps, Augustin répond en montrant la différence foncière qui existe entre le Créateur et ses œuvres, les créatures[71]. C’est dire que la préexistence de la création ferait d’elle Dieu. L’éternité est le propre de Dieu, immuable.
Le monde muable est fonction de la création. La création a commencé avec le temps et non dans le temps. Il n’y a pas de temps antérieur à la création du monde[72]. La différence entre l’éternité et le temps ne tenant pas à leur extension, mais à leur nature, il devient, du point de vue philosophique, absurde de défendre l’éternité du temps[73]. La théorie de l’éternité du temps découle d’une mauvaise conception de la nature de Dieu que l’on range, faussement, dans la catégorie des êtres corporels. Dieu est spirituel, l’on ne peut lui appliquer les qualités du temps physique (mouvement, changement successif) sans blesser son éternité et son immutabilité[74].
La doctrine de la création concerne également les anges. L’angélologie augustinienne pose la question du jour de la création des anges et la raison de leur chute. Ont-ils été créés avant la création du monde et du temps ? La question de la chute des anges implique, l’on ne peut que le constater, celui du péché et de son explication[75]. De même que pour la distinction de deux cités, Augustin s’est servi du choix volontaire ou du libre arbitre comme critère de distinction, de même pour le péché des anges le motif de la liberté personnelle revient[76].
La question concernant le moment de la création des anges n’échappe pas au principe déjà acquis : aucune créature n’est coéternelle à Dieu (De Civ. Dei, XI, 9)[77]. Augustin fait coïncider la création des anges avec le jour de la création de la lumière parce que ceux-ci sont appelés fils de lumière, malgré le silence des Ecritures[78].
La lumière c’est le Fils de Dieu[79], médiateur universel dans la création. Mais, les anges participent, par leur création, à cette lumière. Une autre distinction apporte assez d’éclairage sur la responsabilité personnelle tant des anges que des êtres humains ont dans leur appartenance soit à la cité céleste, soit à la cité terrestre. Il s’agit de l’affirmation selon laquelle le mal est la perte du bien. Le mal n’est donc pas une nature. Le Bien quant à lui, c’est Dieu lui-même[80]. Dieu est un et trine. « Ce disant, admettre que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’un seul Dieu (unus Deus) conduit à accepter que chacune des personnes de la Trinité porte de manière égale (pariter) les attributs divins : la simplicité, l’immutabilité et la coéternité […] La conclusion à laquelle on aboutit n’est rien d’autre que l’affirmation de la Trinité comme le seul sujet et l’unique Dieu (haec Trinitas unus est Deus), Bien suprême de l’homme et des anges »[81].
Si c’est toute la Trinité qui est le Bien, comment cerner le lien ou l’équilibre entre la distinction et l’unité divine ? Libambu affirme qu’Augustin opère avec le principe de convertibilité ou celui de la double implication (« un seul Dieu » est « la Trinité », vice versa), ou encore une identité stricte entre « un seul Dieu » et « la Trinité »[82]. Cette affirmation s’oppose au modalisme sabellien parce qu’Augustin défend la consistance ontologique de chaque hypostase sans nuire à la simplicité de Dieu. La distinction des personnes est liée aux relations que chaque hypostase a envers les autres. Tandis que la Trinité est simplicité en fonction de l’unité de substance qui existe entre les trois personnes[83].
Le Bien suprême est identifié à la Trinité qui assume la totalité des attributs absolus. Ceci signifie du point de vue angélologique et anthropologique que le Bien des anges et des hommes c’est la Trinité. Dieu étant tel pour l’être humain, alors Augustin combat l’idée manichéenne selon laquelle le corps est le principe du mal de l’homme, tandis que l’âme est son souverain Bien[84]. Augustin insiste également sur l’immutabilité et la simplicité divine qui s’expliquent par le fait que les attributs en Dieu ne se réalisent pas par participation mais par nature[85]. Comme conséquence, les anges qui ont leur commencement par la création participent à la nature de Dieu. Ils ont été illuminés pour vivre dans la sagesse et le bonheur. Les anges perdraient leur bonheur s’ils ne se maintenaient pas devant la face de Dieu[86]. Les mauvais anges ont perdu la lumière non pas par leur nature mais par leur mauvaise volonté qui a refusé de persévérer dans la lumière[87]. Cette affirmation souligne la bonté naturelle de toute chose créée par Dieu. En même temps, l’affirmation rejette la thèse selon laquelle le diable est pécheur par nature[88]. Augustin veut monter que Dieu n’est pas la cause du mal[89].
La distinction en deux catégories entre les anges bons et les anges mauvais correspond, suivant Gn 1, 4, à la distinction entre la lumière et les ténèbres. Les mauvais anges vivent dans les ténèbres de l’orgueil[90]. La perfection de la science de Dieu suppose connaissance et amour, savoir et agir, approbation et jouissance de la part de Dieu lui-même[91]. La bonté de Dieu est la cause de la création. Pour connaître chaque être créé trois questions se posent : qui l’a faite, par qui, et pourquoi[92] ?
Pour répondre aux questions posées, Augustin applique les attributs de l’Etre divin à la Trinité[93]. La Trinité est la bonté créatrice du monde[94]. Le chapitre 24 de l’ouvrage s’applique justement à cette question de la bonté de la Trinité créatrice. Le problème central demeure celui de l’équilibre entre la distinction des hypostases et la consubstantialité de ces mêmes personnes divines. Augustin attaque la doctrine de l’arianisme tardif[95]. L’égalité de personnes et leur distinction servent pour consolider l’inséparabilité de puissance et d’action à travers lequel l’unité de la Trinité s’est manifestée[96].
Par la déduction, Augustin arrive à la bonté des trois hypostases comme raison dernière de la création. Il affirme également que la bonté et la sainteté doivent être retenues comme des attributions notionnelles de l’Esprit-Saint[97]. Au fond, sainteté et bonté sont en Dieu la même chose. Ce faisant, la sainte Trinité est égale à la bonne Trinité[98]. La bonté de Dieu est l’autre mot pour dire sa liberté et son amour. Dieu a créé le monde par Amour et pour Amour[99]. « Le raisonnement est le suivant : le Créateur doit être bon ; or le Créateur, c’est la Trinité, c’est-à-dire, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Donc la Trinité est bonne. Or, la bonté du Créateur, c’est sa sainteté. Donc, la Trinité Sainte (bonne) est l’auteur de la création »[100].
Augustin établit une relation d’équivalence ontologique entre le Créateur et la Sainte Trinité, de même qu’il le fait pour les attributs absolus en Dieu. Ces attributs (la bonté et la sainteté) de Dieu sont la raison de la création. Les œuvres de la création sont les lieux de la Révélation de la Trinité tout entière. En tant que telles, elles portes les traces de la Trinité[101]. La théologie des vestiges trinitaires étaye celle de la création en se basant sur le principe d’inséparabilité d’action divine. Les questions métaphysiques portant sur le qui (causes efficientes/Père), le par qui (causes instrumentales/Fils) et le pour quoi (causes finales/Esprit-Saint) de la création lui servent pour mettre l’équilibre entre l’inséparabilité et la distinction des hypostases en Dieu[102]. Ces mêmes questions portant sur la cause, la médiation et la finalité de la création sont en conformité avec le credo, qui lui-même est enraciné dans le récit de la Genèse[103].
Par ces précisions, Augustin combat l’arianisme (subordinatianisme) et le sabellianisme (modalisme). La doctrine de la Trinité n’admet pas de réductionnisme. Au contraire, elle est fonction de l’inséparable unité. « […] la présence des images trinitaires en l’homme confirme qu’il a été créé à l’image de la Trinité. Ceci rend possible sa théorie des images trinitaires dans les créatures »[104].
Dans son analyse des chapitres 25-28, Libambu montre qu’ « Augustin tente avant tout de chercher les vestiges de la Trinité dans la division tripartite de la philosophie : la physique, la logique et l’Ethique. Déjà abordée dans le livre VIII du même ouvrage, la question fait l’objet d’une réponse brève et rapide pour rappeler le rôle respectif de chaque partie dans l’origine, les moyens et la finalité de tout le réel. Appuyé par l’autorité de Platon, ce rapprochement ne confond pas la triade avec la Trinité éternelle (De Civ. Dei, XI, 25). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas tellement les réponses des philosophes à ces trois questions qui l’intéressent, c’est plutôt la théorie de la connaissance qui en résulte »[105]. Cette théorie de la connaissance commune à tous les auteurs recueille les éléments suivants : la nature a une cause, la science une méthode et la vie un sens (De Civ. Dei, XI, 25). Ces éléments sont en correspondance avec les éléments constitutifs de toute oeuvre artistique : l’esprit, le savoir et le fruit. Il est à dire encore que tous ces éléments sont en correspondance avec la nature, la doctrine et l’usage[106].
Cependant chez Augustin, les images trinitaires en l’homme sont en relation de proportion directe avec les limites de l’être humain ; limites marquées aussi par la condition spatio-temporelle de son existence[107]. C’est l’homme intérieur qui est, à cause des trois certitudes immédiates qui se donnent à l’esprit (être, connaître et aimer /esse, nosse et diligere), à l’image et à la ressemblance de Dieu[108]. Les vestiges de la Trinité sont à trouver dans l’être, la connaissance et l’amour de l’homme. Il y a manifestement un lien étroit entre la philosophie, la théologie et l’anthropologie. C’est ce que Libambu appelle l’anthropothéologie d’Augustin[109] : l’on part de l’être humain pour avoir une connaissance de Dieu et vice versa[110]. Aussi important que cela, la théologie des vestiges de la Trinité dans l’être humain est essentiellement à vocation pluridisciplinaire (philosophie [physique, logique et Ethique] ; art [nature, doctrine, usage] ; anthropologie [être, connaître, aimer] et théologie [Père, Fils, Esprit-Saint])[111]. Mais, ces images trinitaires en l’homme sont provisoire, à cause de l’éternité de Dieu et de la vision béatifique qui n’interviendra, pour tout homme, qu’à la fin de cette vie terrestre[112]. Cependant, malgré ce caractère provisoire, les images trinitaires inhérentes à l’être humain depuis sa naissance posent l’homme face à la Trinité dans une relation d’amour réel[113].
L’analyse des chapitres 29-34 a pour objectif de montrer comment Augustin aborde la question de la « contemplation et connaissance de la Trinité inséparable par les anges dans la cité céleste »[114]. La réponse du Docteur africain se focalise totalement sur la théologie de la présence du Verbe médiateur, lui qui est la Vérité, la Sagesse et le Fils unique de Dieu. Mais, l’objet de cette contemplation et de cette connaissance n’est autre que la Trinité tant dans son unicité que dans les différences des hypostases[115]. D’après Libambu, Augustin a adapté sa théologie de la vision béatifique des hommes aux saints anges. Le thème du repos de Dieu qui se trouve dans le livre de la Genèse devient, en Augustin, une opportunité pour parler du rôle du Verbe dans la sanctification du monde créé[116]. Dans le Verbe, la créature a son repos en Dieu. Dieu est le tout, la perfection. En tant que tel, il est le repos[117].
L’interprétation de Gn 1, 1 est faite en corrélation avec le psaume 103, 24 et Jean 8, 25. Augustin montrera alors que le mot Principium ne parle pas du commencement du monde. Il parle du Verbe par lequel le monde a été fait. Par ce même biais, le Dieu qui créa le monde n’est autre que toute la Trinité, car le Verbe, lui la Sagesse, n’est jamais séparé du Père et de l’Esprit-Saint[118]. Augustin trouve une identité sémantique entre l’esprit de Dieu dont parle Gn 1, 2 et l’hypostase de l’Esprit-Saint. Cette identification donne à tout le récit de la création une valeur absolument trinitaire[119]. La vraie religion qu’il enseigne devient alors « le chemin vers le Dieu trinitaire, créateur du ciel et de la terre et par ce fait-même fondateur de la cité céleste »[120]. Ceci signifie que le culte des païens et des manichéens n’a abouti pas à l’adoration de la Trinité. En revanche, elle conduit à l’immoralité[121].
Le saint africain ajoute à sa conception de la création l’idée selon laquelle « la Trinité a été présente lors de la création et maintient encore les créatures dans l’existence. L’œuvre créatrice de la Trinité est dans cette perspective permanente, car elle n’est pas séparée ni par le temps ni par le lieu »[122]. C’est la Trinité créatrice qui est l’objet de la contemplation des anges bons, contrairement à la cité des démons. La cité céleste jouit de Dieu. En revanche, la cité terrestre est gonflée d’orgueil. Elle est jalouse de la première. Au fond, les deux cités se différencient par l’amour de Dieu et l’amour de soi. Ceci signifie que les deux cités ne se différencient pas au niveau de leur nature, mais dans la volonté de leurs membres[123].
L’Épilogue du livre (c. 34, 2) est très bref. Outre l’évaluation de la démarche et des thèmes abordés, Libambu affirme que deux remarques finales y sont très importantes. « La première insiste sur la cohabitation provisoire des deux cités. La deuxième observation indique le passage sur le thème du livre suivant : la présence des deux cités dans l’humanité. Ceci montre en filigrane le caractère provisoire de la cité céleste sur cette terre, mais également leur cohabitation »[124].
Le dernier chapitre de la thèse de Michel Libambu est intitulé « épistémologie : l’interprétation de l’en-deçà du texte »[125]. Il s’agit principalement d’une étude focalisée sur les sources du De Civitate Dei XI ou des dépendances d’Augustin dans son élaboration de sa doctrine de la création en rapport avec la Trinité. Deux auteurs sont examinés pour ce fait : Platon et Ambroise de Milan[126]. Platon[127] et les néoplatoniciens représentent les sources païennes du Livre XI[128]. Libambu aborde, tour à tour, le problème de l’utilisation de la philosophie par les Pères et la difficulté qui s’ensuit, c’est-à-dire, la distinction entre philosophie et théologie. Mais, dès le début il fait voir que malgré l’utilisation obvie de la philosophie par les Pères, ces derniers apportent une signification et un sens nouveaux à la sagesse qui en constitue l’objet. C’est dans ce sens qu’il est à comprendre que pour Augustin, c’est le Christ qui est la sagesse[129].
C’est aussi pour ce même motif que c’est la Révélation qui devient le pivot de sélection et d’intégration des passages de la philosophie qui sont utiles à l’élaboration de la doctrine de la création. La philosophie aide Augustin à élaborer la théologie de la création en approfondissant la question de la nature de Dieu[130]. Nous sommes dans le champ de la théologie naturelle qu’Augustin utilise pour fonder sa théologie de la création sur des principes philosophiques solides et irrécusables[131].
Concrètement, Libambu compare Timée 29e avec le De Civ. Dei XI, 21[132]. Le point de départ est la cosmologie platonicienne dont l’objet principal est la recherche des causes du monde (Timée 28). Cette dernière affirme que Dieu lui-même est le principe intelligible du monde sensible. D’après Michel Libambu, étant donné que cette branche de la philosophie pose le problème de la cause du monde à la lumière de la théologie de la création, elle mérite d’être appelée cosmothéologie[133]. Aux yeux de Platon, la notion de la cause est une exigence épistémologique parce qu’elle rend possible la rationalité de tout ce qui existe. En dehors de Dieu, rien n’existe sans origine. Cette affirmation se trouve également chez Plotin (Enn. III, 1, 1), affirme Libambu[134]. Les platoniciens, dit-il, mettent un lien entre l’origine du monde et le problème du temps. Le monde et le temps sont nés ensemble, mais tous deux doivent leur origine à un créateur, le père de l’univers. « Cette notion de créateur passe du niveau métaphysique au niveau affectif. On attribue au Dieu créateur la notion de paternité universelle. Le Créateur est père des hommes et de l’univers. L’expression père (parens) dont l’influence s’est étendue outre le néoplatonisme souligne poétiquement la relation de dépendance qui en découle »[135]. Augustin cite expressément Platon à cet effet dans sa réception du premier article du credo relatif au Père créateur (De Civ. Dei, XI, 21 ; voir aussi dans Ibid., VIII, 10, 2). Chez Augustin tout comme chez Platon, la cosmologie éclaire la théologie de l’efficience de Dieu[136]. La corrélation entre le De Civ. Dei, XI, 21 et Tim. 29e ne se réduit pas au niveau de la forme, mais elle concerne aussi leur contenu. « Cette correspondance avec la pensée païenne, du moins sur la conception de l’origine du monde chez les platoniciens, a connu très tôt un enrichissement grâce au vocabulaire biblique pour glaner l’originalité de la conception chrétienne de la création. Tel est le cas de l’insertion du passage de l’épître aux Romains 11, 36 […] »[137].
Libambu fait deux observations. D’abord, il réaffirme que le premier accord entre Augustin et Platon se situe au niveau de la théologie naturelle dont le sommet d’explication est Dieu lui-même, parce que sommet de la vie de l’esprit et de la Vérité subsistante. Ensuite, il note qu’en fait la réponse apportée à la question de la nature de Dieu[138] est fonction de la détermination juste du cadre de discussion[139]. Augustin a opté pour la méthode dialectique qui met en opposition le monde sensible au monde éternel. C’est cette méthode qui est, à ses yeux, le modèle épistémologique rigoureux et cohérent qui lui permet de réfuter ceux qui posent mal la question de Dieu[140].
Comme Platon, Augustin va du monde sensible et muable pour chercher à saisir l’essence du Créateur. C’est donc à la pensée de Platon relative à l’idée du Dieu Créateur qu’Augustin se réfère comme l’affirmation forte et proche du christianisme. C’est ainsi qu’Augustin, dans sa lecture du récit de la Genèse va identifier la notion philosophique de cause avec le Dieu des chrétiens. Il y a une dépendance augustinienne (De Civ. Dei XI, 5) à la pensée de Platon (Tim. 28c)[141]. Mais, la différence entre les deux auteurs intervient avec l’insertion de Jésus-Christ, Fils de Dieu, né de Dieu non pas créé, comme médiateur dans l’origine ex nihilo de la totalité du réel[142].
Répondant à la question du pourquoi de la création, Augustin suit et assume également (De Civ. Dei XI, 21) la réponse de Platon (Tim. 29e) : la bonté de Dieu est la raison de la création. Dieu est appelé à partir de cette affirmation comme le créateur excellent. Il est l’optimus creator[143]. Cette utilisation du superlatif en vue de l’identification de la bonté divine et de Dieu comme Bien souverain vient de Platon[144] et de Plotin[145]. Dieu, Bien souverain, est la cause efficiente de la création. Entre la création et lui, il n’y a pas de relation de génération. Ce Dieu, Bien souverain, est celui que les chrétiens adorent. Il est le créateur, source de tout bien[146].
C’est dans la manifestation de l’excellence de Dieu par rapport à sa création que Libambu cherche la dépendance d’Augustin, dans la Cité de Dieu, livre XI, par rapport à saint Ambroise de Milan. D’après Michel Libambu cette dépendance augustinienne montre que le Docteur africain ne s’est pas fait platonicien aux dépends de l’originalité chrétienne[147]. Il affirme également que la dépendance d’Augustin par rapport à Ambroise ne se limite pas à l’écoute des prédications[148], ni à des citations directes de son maître. Cette dépendance doit être également cherchée dans l’emploi des incises, termes techniques en vue d’y déceler les schèmes de pensée. Qui plus est, il faut aussi tenir compte du fait que pour les deux auteurs le credo et l’Ecriture leur servent de point d’appui aboutissant ainsi à une dépendance doctrinale. Ceci signifie que la dépendance d’Augustin par rapport à saint Ambroise doit être cherchée dans la double thématique de la création et de la Trinité[149]. Dit d’une autre façon, Libambu cherche l’influence des œuvres d’Ambroise sur Augustin en fixant son regard « sur l’unité substantielle, l’unité de puissance et la manifestation de la Trinité inséparable dans la création »[150].
La comparaison entre les deux auteurs va de l’unité divine à la Trinité inséparable (De Civ. Dei, XI, 29 et De Fid. I., 1, 10)[151]. Chez Augustin[152] tout comme chez Ambroise[153], l’unité divine et la Trinité inséparable sont deux affirmations qui combattent la confusion semée par les hérétiques entre le trithéisme et la Trinité. « Du point de vue historique, on voit que les deux auteurs ont en face d’eux les adversaires communs, bien identifiés. Ce sont les hérétiques mentionnés par les lois impériales et qu’on reconnaît par leur dénominateur commun : la négation de la foi de Nicée sous diverses formes […] Le point commun entre nos deux auteurs, affirme Libambu, est qu’ils considèrent les païens et les hérétiques comme ceux qui ont l’habitude de dévier la vérité des dogmes de la religion »[154]. Les hérétiques introduisent une séparation de la divinité là où la doctrine chrétienne opère avec une distinction entre les hypostases divines. Ils enseignent, par conséquent, la pluralité des puissances contraire à l’inséparable toute-puissance de la Trinité (De Civ. Dei, XI, 24 et De Fid. I, 1, 8)[155].
Au contraire, Augustin défend l’unité de l’être divin qui conduit à l’unité de puissance. C’est en établissant l’unité substantielle des personnes divines qu’Augustin fait passer par déduction l’attribut du Père créateur tout puissant aux deux autres hypostases divines[156]. Cette doctrine se trouve chez Ambroise qui combat le nominalisme en soutenant avec réalisme la différence des personnes divines sans nuire à leur unicité inclusive de l’unité de leur puissance[157]. Ambroise soutient l’inséparabilité de la Trinité. Il est à noter que nos deux auteurs le font en partant du credo de l’Église[158].
Le dernier point de comparaison qui manifeste la dépendance d’Augustin[159] par rapport à Ambroise[160] se trouve dans la manifestation de la Trinité inséparable (inseparabilis Trinitas[161]) dans la création[162]. Cette interprétation se trouve également dans l’Hexaemeron d’Ambroise de Milan. Ce dernier s’appuie sur le credo réfutant la contestation du second article du credo[163]. Augustin et Ambroise coïncident dans le fait que le Fils est égal au Père, par nature. C’est par ce même Fils que tout a été fait (Jn 1, 3)[164]. Augustin et Ambroise identifient ce Fils, par une lecture qui combine Jn 1, 3 ; 8, 25 et le Ps 103, 24 avec Gn 1, 1, au Principe sans pourtant le confondre avec le Principe sans principe[165].
Bref, Ambroise et Augustin se rejoignent « dans l’élaboration de la doctrine de la création en rapport avec la Trinité du fait qu’ils se sont trouvés, peu importe la distance chronologique, devant des ennemis communs[…] Ils rejetaient de fond en comble le polythéisme païen, le dualisme manichéen et de manière plus large, les hérésies contre l’égalité des personnes divines. Il fallait donc s’en expliquer par l’Ecriture et le credo pour dissiper l’ombre de doute sur la vertu créatrice des trois personnes de la Trinité. Pour y parvenir, les deux auteurs ont dû joindre à l’interprétation ‘‘patrilogique’’ de Gn 1, 1 deux autres interprétations de fond, christologique et pneumatologique grâce aux combinaisons des divers passages de l’Ancien et du Nouveau Testament tels : Ps 103, 24 ; Jn 1, 1 ; Jn 1, 3 ; Jn 8, 25 »[166].
Que peut-on retenir de cette étude en vue de l’inculturation du dogme de la Trinité en Afrique ? Pour juger de l’importance et de l’actualité de la thèse de Michel Libambu il suffit de lire une partie du dernier numéro de l’Exhortation Apostolique du Pape Jean Paul II, Ecclesia in Africa qui dit :
En cette veille d’une Pentecôte nouvelle pour l’Église en Afrique, à Madagascar et dans les îles adjacentes, le Peuple de Dieu uni à ses pasteurs se tourne vers Toi [Marie] et élève avec Toi sa prière : que l’effusion de l’Esprit Saint fasse des cultures africaines des lieux de communion dans la diversité, renouvelle les habitants de ce grand continent pour qu’ils deviennent des fils généreux de l’Église qui est Famille du Père, Fraternité du Fils, Image de la Trinité, germe et commencement sur la terre du Royaume éternel qui atteindra sa plénitude dans la Cité qui a Dieu pour bâtisseur : Cité de justice, d’amour et de paix[167].
Il est clair qu’il y a ici une reprise évidente de la théologie de la Cité de Dieu, objet principal de la thèse de Libambu. Cette reprise montre que nous sommes en des moments des crises. La pertinence de notre foi trinitaire se mesure également par notre capacité de créer et de gérer une cité capable de la satisfaction des espoirs sociétaires et de la réalisation de l’Espérance absolue. Dit autrement, la construction de la cité africaine actuelle doit se faire en prenant comme arrière fond dogmatique la Trinité créatrice. Cette option s’oppose à ceux et celles qui promeuvent des paradigmes idolâtriques dans la société africaine[168].
Comme au temps d’Augustin, l’Afrique noire vit un culte idolâtrique qui se caractérise par l’amour pour l’ethnie au détriment de l’Amour pour Dieu ; Amour dont la manifestation anthropologique est universelle[169]. Mais, pour ne pas tomber dans le dualisme et l’impasse, le rapport entre l’amour familial africain et l’Amour de Dieu ne peut être traité dans une perspective disjonctive et exclusive. A la lumière de la thèse de Libambu, nous pouvons dire que dans l’amour familial africain, il y a des insinuations trinitaires et une présence réelle des personnes divines déterminées par l’acte créateur continu qui est essentiellement trinitaire[170]. Ceci signifie que quand l’amour pour son ethnie est exclusive des exigences de l’Amour de Dieu, il devient un non sens. En effet, même dans la RA, nous venons de le voir, la théologie de la famille implique la présence effective de Dieu non seulement comme Origine absolue de l’ethnie mais également comme sa condition pratique de l’ouverture à l’universel.
Au fond, toujours dans la suite de la lecture de l’ouvrage de Libambu, l’on peut dire que ce qui rend plus qu’intéressantes les triades africaines et la vision tripartite de la réalité, là où elles existent, c’est la théologie de la connaissance qui en résulte. C’est-à-dire, la vérité doctrinale sur Dieu dans la RA est en rapport direct avec la vérité néotico-mystique et morale de l’être humain. La RA qui arbore les paradigmes de la totalité, de la doxologie, du corps comme temple et circumduction de tous les êtres, etc. souligne aussi la transcendance de l’identité de Dieu comme vérité dans cette vie-ci et dans cette vie-là. Mais, il est aussi à dire que la présence du Dieu trinitaire par et dans sa création est une des raisons fondamentales de notre utilisation des analogies de la RA comme base de notre anthropologie transcendantale[171].
Le fait que le Synode parle du Christ comme victorieux, par sa fraternité de la haine fratricide (MSA, 3), signifie, à la lumière de la thèse de Libambu, qu’il est en sa Personne Dieu par nature. La sotériologie conduit à l’identité intime du Christ comme deuxième personne de la Trinité. Ceci signifie qu’une perspective purement économique du mystère du Frère Aîné, Ancêtre ou Proto-Ancêtre est insuffisante pour la théologie africaine. De même pour l’Esprit-Saint. Par le fait qu’il façonne l’humanité à l’image de la Trinité montre que l’Esprit-Saint est constructeur de la Cité de Dieu et donc, il est Dieu par nature. Comme conséquence, notre théologie pour être vraiment chrétienne doit viser la construction de la cité humaine tout en sachant et en adorant la Trinité comme le Dieu constructeur de l’histoire.
[1] LIBAMBU, M.W., Création et Trinité chez Saint Augustin. Recherches sur les Sources du De Civitate Dei XI. Thèse de doctorat en Théologie et Sciences Patristiques, Rome, Pontificia Universitas Lateranensis. Institutum Patristicum Augustinianum, 2003. Outre cette thèse, Libambu est auteur de : La Trinità creatrice nelle Confessioni XIII, 5, 6, dans AA.VV., Le Confessioni di Agostino (402-2002). Bilancio e prospettive, Roma, 2003, p. 457-485; Trinitas creatrix apud Patres Latinos. Studia historica et philologica, Roma, 2002.
[2] Ibid., p. 1.
[3] Ibidem.
[4] Ibid., p. 2-6.
[5] Ibid., p. 6.
[6] Ibid., p. 7-8.
[7] Ibid., p. 9.
[8] Ibid., p. 12.
[9] Ibid., p. 13. A ce qu’affirme l’A., nous ajouterions aussi les préoccupations du milieu de vie du patrologue. En effet, il n’est pas dit que les préoccupations personnelles d’un scientifique coïncident toujours et en tout moment avec son milieu de vie. Ce milieu de vie, nous le savons est son Église locale située dans un village, un quartier, une paroisse, un diocèse, un pays précis et dans un continent déterminés. Lire à cet effet, DUPUIS, J., Homme de Dieu, Dieu des hommes. Introduction à la christologie, Paris, Cerf, 1995, p. 17-19 ; BUJO, B., Teologia africana nel suo contesto sociale, Brescia, Queriniana, 1988; ID., La dimension socio-politique de la christologie africaine, dans KABASELE, F., DORE, J. et LUNEAU, R., o.c., p. 336-347.
[10] Ibidem.
[11] Ibid., p. 14.
[12] Ibidem.
[13] Ibid., p. 15.
[14] Ibidem.
[15] Ibid., p. 21.
[16] Ibid., p. 20.
[17] Ibid., p. 24.
[18] Ibid., p. 27.
[19] Ibid., p. 34 ss.
[20] Ibid., p. 29.
[21] Ibidem.
[22] Ibid., p. 24; 27-28.
[23] Ibid., p. 22.
[24] Ibid., p. 24.
[25] Ibid., p. 22-23.
[26] Ibid., p. 23. Faisons remarquer, cependant, qu’il y a une seule exception à cette règle. En effet, le corps créé et glorifié de Jésus dans la post-existence du Christ parce que Fils de Dieu, Oint de l’Esprit-Saint, fait partie de l’identité de Dieu dans sa vie ad intra. Il faut aussi souligner ici la vérité de la Religion Africaine qui, dans son eschatologie, garde la différence entre la demeure (identité) de Dieu et le village des Ancêtres.
[27] Ibid., p. 24. Les missionnaires de la première évangélisation avaient utilisé la rationalité et la pratique des vertus, en notre contexte africain aussi, comme critères distinctifs de la vraie religion (christianisme) contre l’idolâtrie (Religion Africaine). A cette époque, il était presque impossible de croire à une pluralité de rationalités et même à une contextualisation des principes éthiques. Lire, AA.VV., Quelle Église pour l’Afrique du troisième millénaire ? Contribution au Synode spécial des évêques pour l’Afrique. Actes de la Dix-huitième Semaine Théologique de Kinshasa du 21 au 27 avril 1991, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1991. Voir, la section I. intitulée « Église évangélisatrice », p. 23-91 ; AA.VV., ‘Philosophie Africaine : Rationalité et Rationalités’. Actes de la XIVe Semaine Philosophique de Kinshasa (du 24 au 30 avril 1994), Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1996 ; AA.VV., Ethiques chrétiennes et Sociétés Africaines. Actes de la Seizième Semaine Théologique de Kinhasa 26 avril – 2 mai 1987, Faculté de Théologie Catholique, Kinshasa, 1987.
[28] Ibid., p. 26.
[29] Ibid., p. 32.
[30] Ibid., p. 28.
[31] Ibid., p. 29.
[32] Ibid., p. 33.
[33] Ibid., p. 34.
[34] Ibid., p. 35.
[35] Ibidem.
[36] Ibid., p. 37.
[37] Ibid., p. 38.
[38] Ibid., p. 39.
[39] Ibid., p. 41.
[40] Ibid., p. 42.
[41] Ibid., p. 43.
[42] Ibid., p.43-44.
[43] Ibid., p. 44.
[44] Ibid., p. 45.
[45] Ibid., p. 47.
[46] Ibid., p. 48.
[47] Ibidem. L’A. fait écho des recherches de Lewis Ayres portant sur les sermons 52, 117 et les lettres 11 et 20 d’Augustin. Voir note 191.
[48] Ibid., p. 49.
[49] Ibid., p. 50.
[50] Ibidem.
[51] Ibidem.
[52] Ibid., p. 50-51.
[53] Ibid., p. 52.
[54] Ibid., p. 53.
[55] Ibid., p. 54.
[56] Ibid., p. 55-56.
[57] Ibid., p. 58.
[58] Ibid., p. 63.
[59] Ibidem. Augustin le fait pour « défendre la foi contre les erreurs des doctrines païennes, hérétiques et sectaires ».
[60] Ibidem. Libambu affirme « qu’au-delà de la lutte antipaïenne, Augustin n’oublie pas les questions difficiles soulevées par l’exégèse des hérétiques, en occurrence celles des manichéens sur la nature du vrai Dieu Un et Trine, créateur de tout ».
[61] Ibid., p. 64.
[62] Ibid., p. 65.
[63] Ibidem : Ps 86, 3 ; 49, 1 ; 45, 5-6 (la cité de Dieu) ; Ps 47, 2 (la cité de notre Dieu) ; Ps 47, 9 (la cité de notre Seigneur).
[64] Ibidem.
[65] Ibid., p. 65-66. De Civ. Dei, XI, 1.
[66] Ibid., p. 66.
[67] Ibid., p. 67.
[68] Ibid., p. 68.
[69] Ibid., p. 69.
[70] Ibid., p. 69. Cite De Civ. Dei, XI, 4, 1 : « Et ce témoin est si qualifié pour faire croire en Dieu que, ce même Esprit de Dieu qui lui a révélé ces vérités, il est allé jusqu’à prédire, si longtemps à l’avance, notre foi à venir ». Il est à remarquer l’importance de « l’Esprit de Dieu » dans la vérité du témoignage. C’est une approche pneumatologique de la connaissance de la vérité.
[71] Ibid., p. 70.
[72] Ibid., p. 72-73.
[73] Ibid., p. 74.
[74] Ibid., p. 76-77.
[75] Ibid., p. 78-79.
[76] Ibid., p. 79.
[77] Ibid., p. 80.
[78] Ibidem.
[79] Ibid., p. 81. Une question que comporte cette interprétation analogique. Le Fils est la Lumière. Or, les anges sont les fils de la lumière. Peut-on conclure que les anges sont les fils du Fils ? Dit d’une autre manière, le Fils est-il le père des anges ? L’interprétation “du fils de la lumière” comme analogie déterminante dans la précision du jour de la création des anges est très difficile à recevoir en contexte noir africain. D’abord, il faut reconnaître l’existence factuelle de telles analogies chez nous. Deux exemples. Nous disons assez facilement : 1. « Mwana mayi (litt. fils/fille de l’eau) » ; 2. « Mwana mboka (Fils/filles du village, de la cité ou de la nation) ». Dans le premier exemple, fils/fille de l’eau exprime l’idée d’un être humain habitué à l’eau ; le riverain qui connaît les secrets du fleuve ; l’être humain dont la vie dépend de l’eau ; le bon nageur qui n’a pas de risque de perdre sa vie dans l’eau. L’expression vise la dextérité, la souplesse, la capacité de compréhension des problèmes aquatiques et d’y apporter des solutions pertinentes. Par là, suite à une transposition sémantique l’expression « fils/fille de l’eau » sera aussi utilisée dans les rapports sociaux. Dans aucun cas, cette expression signifie une coexistence simultanée entre l’être humain et l’eau. On ne fait jamais coïncider l’origine de l’eau avec l’existence de l’être humain. On souligne plutôt les capacités de ce dernier de vivre dans l’eau presque « comme un poisson ». Le deuxième exemple « mwana mboka, fils/fille du village » souligne l’appartenance commune à la même nation, en opposition directe ou indirecte avec l’étranger. Au fond, nous ne sommes qu’au niveau de l’identification sociétaire et ou axiologique. Il n’y a rien qui indique l’origine historique du fils. Dans ce sens, au Congo, l’invocation des anges comme fils de lumière ne dit rien sur le « quand » de leur création. Mais, cette expression met en avant plan leur capacité de vivre de la lumière, dans la lumière, avec la lumière, pour la lumière ; et enfin, leur adhésion (volonté, libre arbitre) aux principes axiologiques photologiques. Ceci signifie que les anges ne sont pas consubstantiels à la Trinité des hypostases. Mais, reste toujours ouverte la question du jour de leur création.
[80] Ibidem.
[81] Ibid., p. 82.
[82] Ibid., p. 82-83. Cite De Civ. Dei, XI, 10, 1 et Confession XII, 7, 7.
[83] Ibid., p. 83.
[84] Ibid., p. 84. De Civ. Dei, XV, 5.
[85] Ibid., p. 84.
[86] Ibid., p. 85.
[87] Ibid., p. 86-87.
[88] Ibid., p. 87.
[89] Ibid., p. 88.
[90] Ibid., p. 88.
[91] Ibid., p. 90.
[92] Ibidem.
[93] Ibid., p. 91-92.
[94] Ibid., p. 93-95.
[95] Ibid., p. 96.
[96] Ibid., p. 97.
[97] Ibidem. Cite, De Civ. Dei, XI, 24.
[98] Ibid., p. 97-98.
[99] Ibid., p. 99.
[100] Ibid., p. 100.
[101] Ibid., p. 101.
[102] Ibid., p. 101-102.
[103] Ibid., p. 101.
[104] Ibid., p. 104.
[105] Ibidem.
[106] Ibidem.
[107] Ibid., p. 105.
[108] Ibidem.
[109] Ibidem.
[110] Ibid., p. 106.
[111] Ibidem.
[112] Ibidem.
[113] Ibid., p. 106-107. De Civ. Dei, XI, 28 : « Mais nous sommes des hommes créés à l’image de notre Créateur, lui qui possède la véritable éternité, l’éternelle vérité, l’éternelle et vraie charité, étant lui-même sans confusion ni séparation et l’éternelle et la véritable et la bien aimée Trinité ». C’est une affirmation très importante pour la théologie de la RA et ses analogies. Celles-ci sont trinitaires par le fait de leur création (continue) par la Trinité.
[114] Ibid., p. 108.
[115] Ibidem.
[116] Ibid., p. 109.
[117] Ibidem.
[118] Ibid., p. 110-111.
[119] Ibid., p. 112.
[120] Ibid., p. 113.
[121] Ibidem.
[122] Ibidem. Cette affirmation montre clairement l’erreur de ceux qui réduisent la RA à une réalité de la nature, sans présence réelle et effective de la Trinité.
[123] Ibid., p. 114. Il y a une hiérarchie et des différences dans l’amour. Il ne suffit pas d’aimer pour être de Dieu. En effet, ce n’est pas n’importe quel amour mérite la crédibilité. Même dans l’amour, il y a exigence d’un discernement.
[124] Ibid., p. 115.
[125] Ibid., p. 119.
[126] Ibid., p. 121.
[127] Ibid., p. 125-126 : « Notre démarche est orientée par un postulat précis, issu de la lecture du livre XI de la Cité de Dieu où Augustin cite explicitement le nom de Platon comme le philosophe dont la pensée se rapproche le plus de la doctrine chrétienne par le fait d’avoir professé l’existence d’un unique Créateur de l’Univers. Ce disant, le présent chapitre prend en compte le livre XI de la Cité de Dieu et le Timée de Platon et par voie indirecte les Ennéades de Plotin. Par la méthode régressive, nous partons de l’hypothèse selon laquelle les passages obscurs sur les sources platoniciennes du livre XI peuvent être éclairés grâce aux sources intermédiaires […] Par ailleurs, convient-il d’ajouter, le nombre réduit des citations directes ne nous autorise pas à négliger l’influence de Plotin dans la Cité de Dieu XI. Notre confrontation se réalise singulièrement dans le domaine de la théologie naturelle en fixant l’attention sur la cause du monde, la bonté du Créateur et la juste raison de la création ».
[128] Ibid., p. 122-123.
[129] Ibid., p. 123.
[130] Ibidem.
[131] Ibid., p. 124.
[132] Ibid., p. 126.
[133] Ibid., p. 126-127.
[134] Ibid., p. 127.
[135] Ibidem.
[136] Ibid., p. 128.
[137] Ibid., p. 129.
[138] Ibid., p. 130. Platon et Augustin se posent la question de « quid sit ? » (nature) et ne focalisent pas leur attention sur celles de « an sit ? » (réalité) et « quale sit ? » (valeur).
[139] Ibidem.
[140] Ibid., p. 131.
[141] Ibid. . p. 131-133.
[142] Ibid., p. 137.
[143] Ibid., p. 138-139 ; voir aussi les p. 145-147 où Libambu montre la dépendance du De Civ. Dei XI, 17 et 21 à Tim. 29a et 30a.
[144] Ibid., p. 140. De Civ. Dei, VIII, 8.
[145] Ibidem. PLOTIN, Enn. III, 7, 6; I, 8, 7; II, 9, I.
[146] Ibid., p. 141.
[147] Ibid., p. 148.
[148] Ibidem.
[149] Ibid., p. 149.
[150] Ibid., p. 150.
[151] Ibidem.
[152] Ibid., p. 151-154. Cite, De Civ. Dei, XI, 29 ; Ibid., XI, 24; De Trin. I, 4, 7; I, 5, 8; De Fid. et symb. 7, 15 ; 9, 17.
[153] Ibid., p. 154-156 ; De Fide I, 10.
[154] Ibid., p. 157.
[155] Ibidem.
[156] Ibid., p. 158. Outre le De Civ. Dei, XI, 24, Libambu cite le De Trin., V, 8, 9.
[157] Ibid., p. 159. Cite, De Fid., I, 1, 8 ; I, 1, 10 ; I, 1, 2, 19 ; I, 3, 25; I, 2, 15; I, 3, 33; II, 10, 84; II, 4, 34; IV, 5, 62.
[158] Ibid., p. 159-162.
[159] De Civ. Dei, XI, 24.
[160] Hex. I, 2, 8, 29.
[161] De Trin. XV, 3, 5 ; I, 5, 8.
[162] LIBAMBU, M.W., o.c., p. 163-164.
[163] Ibid., p. 166.
[164] Ibid., p. 167.
[165] Ibid., p. 167-170. Comp. avec les études déjà citées de Mgr Nestor Ngoy.
[166] Ibid., p. 171. Dans la conclusion générale de son ouvrage (p. 173-178), Libambu évalue sa démarche méthodologique et rend compte des fruits de sa recherche.
[167] EIA, nº. 144 ; MSA, nº3, 23-25 ; 31-35 et 71.
[168] MSA, nº 36 : « Le Synode dénonce et condamne énergiquement toutes les volontés de puissance et toutes sortes d’intérêts ainsi que l’idolâtrie de l’ethnie qui conduisent à ces guerres fratricides : elles valent à l’Afrique la honte d’être le continent où se trouve le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés ». Nous soulignons.
[169] Lire, MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, Fl., Famille trinitaire et guerre en Afrique. Méditation sur le numéro 25 § 1 du Message du Synode Africain, dans RASM 8 (1998), p. 30-57.
[170] Voir aussi, MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, Fl., ¿Qué Iglesia para un África de las tribus ?, dans Misiones extranjeras 171 (1999), p. 159-175.
[171] Comp. MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, Fl., L’immaculée Conception, p. 489-496.