vendredi 3 juillet 2009

La Trinité et l’union vitale chez Vincent MULAGO (1960, 1965 et 1972)


Par Flavien Muzumanga Ma-Mumbimbi


L’étude de l’œuvre de Mulago est une porte obligée en théologie africaine et spécifiquement congolaise. Mais à cela, il faut ajouter le fait qu’une possible étude de ce grand théologien congolais qui ne prendrait pas pour point central son anthropologie familiale africaine aboutirait à un échec évident. En effet, tous les thèmes majeurs de sa pensée s’articulent autour de l’union vitale, de la sagesse dont les Ancêtres sont les initiateurs[1] ; de la solidarité, de la fraternité, de l’identité et de l’indivisibilité du sang de l’Ancêtre fondateur[2]. Mulago est connu pour son ecclésiologie et sa théologie des sacrements[3] soutenus, comme déjà dit, vigoureusement par l’anthropologie du clan africain[4]. Il considère cette anthropologie familiale clanique africaine comme un mode de réception et d’expression de la foi[5] en relation analogique avec le mystère de l’incarnation[6]. C’est cette prise en charge de l’analogie familiale clanique africaine[7] qui lui permet de parler d’« une vraie confessio africana qui, sans devoir formuler une nouvelle profession de foi, mais à partir de l’Évangile et du Credo traditionnel, donnerait une réponse aux problèmes particuliers du chrétien africain de notre temps »[8].
Cela étant acquis et vu l’objectif de ma recherche trinitaire, il faut cependant se demander si Mulago avait appliqué cette anthropologie familiale clanique à la Trinité. Avant de répondre à la question, il convient de faire remarquer que Mulago n’a pas écrit une étude monographique sur le mystère de la Trinité. En revanche, il a abordé quelques fois le thème de ce mystère fontal en recherche du fondement de son ecclésiologie dont l’analogie de base est le clan et son dynamisme intérieur[9]. Mulago a aussi abordé la question du mystère de la Trinité pour pouvoir trouver l’exemplarité de la famille dans le sens de la relation qui existe entre un époux et une épouse, vice versa. Dit autrement, Mulago a effectivement utilisé l’analogie de la famille en rapport avec la Trinité. Son application de la famille comme analogie de la Trinité est la conséquence de sa théologie de la solidarité. Cette dernière est comprise comme « la communion, la participation vitale, l’unité de vie des membres de la communauté »[10]. A ses yeux, c’est la participation à la même et unique vie qui est le sommet des valeurs de la communauté clanique bantu. Ce principe absolument dynamique permet l’influence vitale réciproque entre les membres d’une communauté et sa concrétisation matérielle par l’usage des symboles[11].
Mulago entend par union vitale une relation d’être et de vie qui implique : ascendants/descendants ; famille ou frères et sœurs de clan ; enfin Dieu : source première et ultime de toute vie. « Dieu est le Participable imparticipé, le Principe non-principié de tout être et de toute vie »[12]. Il est à noter à ce niveau l’utilisation de la « relation d’être et de vie », de « l’identité entre la famille et le clan », de « Dieu est de la famille en tant que Source première et ultime de la vie (Nyamuzinda), plénitude même de l’être et de la vie »[13]. L’on comprend que cette citation nous interdit de parler d’une famille africaine purement naturelle. En effet, dans la définition même de la famille, de toute famille, il y a déjà l’insertion de Nyamuzinda en tant qu’il est la plénitude de la vie. Si la famille est vie, c’est parce que Dieu y est au principe et en est le Principe. Ceci fait que dans la famille existe une pleine circularité de vie, une vraie dynamique vitale qui trouve son épiphanie dans l’être humain de telle manière qu’il est impossible de parler d’une anthropologie essentialiste et figée.
En revanche, il sied de soutenir une vraie « Dynamologie bantu, puisque le ntu est susceptible d’accroissement ou de décroissance… »[14]. Cette dynamique de l’anthropologie de la famille est d’une importance telle que chez Mulago l’interprétation des relations en Dieu en sera foncièrement marquée. C’est dire que chez Mulago, l’application de la famille comme analogie de la Trinité ne peut se comprendre qu’à partir « de ce flux de vie qui venant de Dieu atteint toute la hiérarchie des êtres »[15], leur agir et leur communauté de moyens vitaux[16]. Ce flux accroît et décroît dans un jeux relationnel qui ne se soumet pas à la logique de la fixité ontologique, car la conception que le Muntu a de l’être est synthétique et unificatrice. Pour lui, l’être est foncièrement un et tous les existants sont ontologiquement reliés[17].
Un autre élément essentiel qui détermine la manière dont Mulago applique le concept de la famille à la Trinité est sa conception du mariage. A ses yeux, « Le mariage est un trait d’union entre deux familles claniques, qui deviennent, de ce fait co-familles »[18]. Il convient de noter, comme nous le verrons plus tard, que dans son application du diagramme restreint « époux – épouse, vice versa » au mystère de la Trinité, Mulago tiendra absolument compte de sa critique du mariage bantu qui privilégie, selon lui, la paternité et la maternité au détriment des relations interpersonnelles entre les époux[19]. Pour le moment limitons nous à cela tout en retenant que dans tous les cas, Mulago n’applique pas à la Trinité l’analogie de la famille identifiée strictement et exclusivement à la conception occidentale tripartite : « père – mère – enfant ».
En effet, déjà en 1960 dans leur application concrète du concept de la famille (Jamaa) comme analogie de la Trinité, Mulago et Theuws vont de la famille nucléaire à la famille humaine globale. Il y a chez eux une inexistence et une coexistence de la famille nucléaire tant avec la famille clanique qu’avec la famille humaine globale. Le principe qui motive l’application de cette analogie n’étant autre que l’exemplarité de la Trinité sur la famille humaine[20]. En 1965 dans son célèbre livre « Un visage africain du christianisme. L’union vitale bantu face à l’unité vitale ecclésiale[21] », Mulago est plus qu’explicite dans le rapport qui existe entre la Trinité et le « clan » identifié à l’Église par la voie suréminente. Il suit par là la procédure classique de l’application de l’analogie : affirmation, négation et affirmation suréminente. Le schéma prit par l’A. est proprement celui de l’Église latine. Mulago part de l’unicité de Dieu et de sa nature. Il identifie strictement ce Dieu à Nyamuzinda qui s’appelle aussi Imana. Cette compréhension de Dieu lui permet de dire que Nyamuzinda ou Imana lui-même dans la seconde Personne de la Trinité, est la tête, le Chef des Chrétiens. C’est aussi lui-même Imana ou Nyamuzinda dans l’Esprit-Saint, la troisième Personne de la Trinité, qui a formé le Christ dans le sein virginal de Marie[22].
Cette affirmation de Mulago concerne la révélation de Nyamuzinda aux êtres créés. C’est dire que nous sommes dans l’économie. Pour notre théologien, il n’y a pas de don du Christ et/ou de l’Esprit-Saint qui n’implique pas l’autocommunication de Nyamuzinda. Le Dieu révélé en Jésus-Christ et dans l’Esprit-Saint est l’unique et identique Dieu connu et nommé par nos Ancêtres, de manière différentielle, en nos langues. La révélation du Fils dans l’Incarnation et celle de l’Esprit-Saint qui agit pour que se réalise le mystère de l’union hypostatique implique Nyamuzinda. C’est par l’intermédiaire des relations entre les hypostases divines que l’Église elle-même, comme clan du Christ, est gouvernée par Nyamuzinda. Ainsi, le fondement de l’Église dans la Trinité a un point ultime : le principe inprincipié qu’est Nyamuzinda. L’ordre divin est donc très important dans la pensée de Mulago.
Mulago n’affirme pas que la révélation de Nyamuzinda implique celle de son Fils et de l’Esprit-Saint. Il ne dit pas que la connaissance de Nyamuhanga par nos anciens impliquait aussi la connaissance de la Trinité des hypostases, malgré leur ignorance historique factuelle de cette révélation. Il est bien question ici de la distinction à maintenir entre la vie intime de Dieu en lui-même, son autocommunication tel qu’il est et le registre de la connaissance humaine. La préoccupation de Mulago est de montrer l’identité qui existe entre le Dieu des nos Ancêtres et le Dieu des chrétiens et pas l’inverse. L’on peut dire que la tentative de Mulago dans son interprétation de la relation qui existe entre la Trinité et son Église n’apporte aucune vision nouvelle au niveau proprement de la théologie trinitaire. Elle est l’application de la théologie occidentale classique à l’Afrique en changeant le nom Père par deux noms africains (Nyamuzinda et Imana). L’on peut aussi étayer à cela son cadre d’explication. En effet, dans son traitement de la révélation de Dieu aux Africain (e)s, l’A. part d’abord des attributs divins tels que saisis chez les Bantu. C’est dire que chez lui la démarche philosophique précède celle de l’analyse proprement théologique[23], comme chez Thomas d’Aquin[24]. C’est dans ce cadre que le nom Père est pour lui l’attribut de Dieu qui résume tous les autres[25].
A cela l’on peut répondre en disant que, l’effort de Mulago est innovateur dans le domaine proprement anthropologique. C’est dans la base de l’analogie humaine qui est le soubassement de la compréhension du mystère trinitaire que le théologien congolais introduit le système familial africain (le clan des Bantu) et sa notion d’union vitale. Ceci change qualitativement l’intelligence de la foi en un Dieu un, unique et Trinité comme fondement ultime de l’Église, clan du Christ. La famille clanique entre en la Trinité par le Christ, dans son Corps mystique qui est son Clan. La famille africaine clanique entre en Dieu par la voie et la vie de la Trinité pour nous dans monde. Le point de départ de Mulago est économique. En cela, son effort théologique correspond à la théologie de son époque qui est essentiellement marquée par l’ecclésiologie.
En utilisant le concept d’union vitale Mulago met en avant plan le caractère dynamique et surfécond de l’être paternel de Dieu qui se révèle en son Fils et dans son Esprit. Ce dynamisme et cette fécondité de Dieu se manifestent aussi par son action vis-à-vis de sa famille clanique. Pour étayer sa pensée du point de vue de la christologie, Mulago utilise cette analogie de proportion :
Le Christ, comme Chef de l’humanité régénéré, comme Fondateur et Chef du ‘Clan’ ecclésial, du Corps mystique, n’est complet qu’avec ses membres, tout comme analogiquement, un fondateur du clan, un père de famille, un mwami [roi], ne peuvent se concevoir séparés de leur clan, de leur famille, de leur royaume[26].
Cet extrait est riche en contenus. Le Christ est comparé au fondateur d’un clan. Il y est aussi identifié, directement, à l’Ancêtre fondateur. Etre Ancêtre signifie déployer son identité à la fois comme Père et ou Mère d’un clan. En plus, le Christ est identifié analogiquement à un père de famille (restreinte). Enfin, Christ est comparé à un roi (mwami) qui est considéré comme un père dans son royaume. Il y a donc trois niveaux d’application de la paternité africaine dans cette analogie. L’analogie de proportion directe utilisée par l’A. a pour finalité de nous montrer l’être relationnel qui ne souffre et ne peut pâtir d’aucune fraction dans le rapport qui existe entre l’origine (Ancêtre fondateur, père de famille, mwami), les descendant(e)s et les sujets. Cette même analogie de proportion vise l’inhabitation mutuelle des personnes qui sont en commerce.
Outre cette vision christologique, il convient de retenir que l’approche trinitaire de Mulago va se centrer sur la Vie et la fécondité, qualités essentielles d’une famille clanique africaine. C’est ce qu’il va dire expressément en 1969. « Chez les Bantu, Dieu sera présenté comme la Vie par excellence, Vie féconde et Amour communicatif dans une communauté de Trois »[27]. Cet extrait est une conclusion d’une longue réflexion que nous reproduisons ici avant d’en dégager les lignes maîtresses.
La conception que les Bantu se font de Dieu pourra être exploitée comme base d’un traité du « Mystère de Dieu ». Ce Dieu, source de toute vie, est en même temps la source de toute communauté, de toute participation dans la communion. Source de toute vie et de tous les moyens vitaux, il est Père, il possède la nature divine, la Vie divine originellement, et communique sa Vie depuis toute éternité. Le terme de cette fécondité, c’est la deuxième Personne divine, le Fils. Le Fils possède totalement la Vie divine, comme le Père, mais puisqu’il la possède par communication, il se distingue du Père qui en est le principe. Et depuis toute éternité, le Père et le Fils s’aiment et sont tendus l’un vers l’autre. Cet amour s’exprime dans une troisième Personne, le Saint-Esprit, qui est comme le regard mutuel du Père vers le Fils et du Fils vers le Père. Comme la paternité et la filiation, la spiration, ou la procession du Saint-Esprit, est éternelle en Dieu.
En Dieu existe donc une famille, une communauté basée sur une communion – participation (univoque) à une même Nature, à une Essence, à une même Vie. C’est l’unité la plus parfaite, dont toutes les autres ne sont que des rayonnements et imitations[28].
Apparemment le texte peut-être dit partout dans le monde catholique sans qu’il ne sonne spécialement comme une nouvelle interprétation de la Trinité. Mais, ce dont il faut tenir compte à ce niveau, c’est le fait que tous les concepts que Mulago utilise ici proviennent de sa méditation sur la famille clanique africaine et de ses moyens vitaux.
Ceci fait que quand l’A. parle de l’existence en Dieu d’une famille, il ne parlera pas du nombre et de sa ligne de déploiement (père - mère - enfant), mais des qualités relationnelles qu’elle renferme : communion - participation. Mulago avait pris le soin de dégager ces qualités dans son analyse des institutions familiales, sociales, politiques et religieuses des bantu[29], avant de les appliquer maintenant aux hypostases divines. Autrement dit, pour Mulago, Dieu est famille non pas dans la forme historique concrète de telle ou telle famille, mais dans sa communion – participation. C’est dans son élément dynamique que la famille est analogique à Dieu. Pour rendre évidente son option, non pas pour une famille nucléaire mais plus large, je donne un extrait de la suite du texte cité ci-haut dans lequel l’A. parle de l’image trinitaire de Dieu dans la famille humaine[30].
L’homme, par sa création, participe à la Vie de Dieu et à son unité. Mais, Dieu a voulu que l’homme participe aussi à son mystère trinitaire. Adam et Eve forment, dès le commencement, la première famille humaine, la première communauté humaine. Et le Seigneur Dieu bénit ce premier couple et lui donna le don de la fécondité : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là’ (Gn 1, 28).
Ainsi l’homme est rendu participant de la fécondité divine ; il devient coopérateur de Dieu dans le prolongement de la création. C’est de ce premier couple que sont issus tous les hommes et toutes les familles humaines[31].
Ce texte est curieux dans la mesure où Mulago affirme qu’avant la création de la femme, l’homme n’était qu’à l’image de l’unicité de Dieu. L’homme ne participait qu’à la vie de Dieu un, mais sa plénitude anthropologique trinitaire n’arrivera qu’avec la création de la femme. La position de Mulago est une conséquence directe de son anthropologie théologique de la participation-communion. Un être humain seul ne peut réaliser cette participation-communication reflet créé de la Vie de Dieu et en Dieu[32]. Mulago n’utilise pas l’analogie psychologique comme reflet trinitaire dans l’être humain individuel.
Pris dans sa profondeur dogmatique, l’extrait cité comporte des énormes conséquences sociétaires et ecclésiales. En effet, construire une société dans laquelle seul dominerait le genre masculin serait synonyme d’appartenir à une économie inachevée de Dieu. Or, dans la vraie foi catholique il n’existe aucune possibilité pour un « Dieu un » qui ne serait pas nécessairement le « Dieu Trine ». Donc, vivre d’une économie inachevée de Dieu, c’est en fait refuser de vivre de Dieu tel qu’il est. Il s’agirait tout simplement ici d’une idolâtrie. Ce qui est dit pour l’unicité vaut également pour sa trinitarité. En effet, une existence exclusive de l’homme par la femme désarticulerait l’unicité de la Trinité. Ceci conduirait, sans nul doute, au polythéisme.
L’on comprend alors pour quel motif le théologien congolais insistera sur la relation bipolaire « homme – femme, vice versa ». Pour lui, c’est dans la famille « Adam et Eve » que se trouve l’analogie de Dieu en lui-même comme famille. Ceci est très important dans la mesure où le déploiement de la descendance ou de la fécondité biologique qui vient d’Adam et d’Eve n’apporte aucune autre révélation de l’identité de Dieu. Les relations qui lient Adam et Eve, vice versa, comme famille sont l’épiphanie de la Trinité. Nous sommes ici loin de la vision tripartite de la famille « père – mère – enfant ».
Une question se pose cependant. Quelle est la finalité du troisième terme dans une famille ? De même que les relations « époux-épouse, vice versa » traduisent les relations intradivines (Trinité ad intra), de même les relations « paternité/maternité – filiation » traduisent la fécondité de Dieu dans la création (Trinité ad extra). Cette position théologique est le fruit de son souci pastoral dans le domaine du sacrement du mariage. Mulago voulait que les chrétiens africains qui se marient dans le Christ découvrent par ce sacrement leur égalité et leur condignité (condignus) basées sur l’amour reçu (debitus) dans le couple comme gratuité (gratuitus). Nous sommes en fait dans la perspective de Richard de Saint-Victor (mort en 1172), mais diversement assumée à cause de la diversité de contexte. Il convient maintenant de reprendre ici sa critique du mariage traditionnel africain[33] dont le danger est connu : la réduction de l’épouse à un pur moyen de production des enfants. Pour notre théologien, l’on ne vit de la Trinité que si l’ont vit de la communion-participation[34]. C’est pour cette raison que Mulago modifiera l’optique du mariage traditionnel qui ne concorde pas avec la vision chrétienne de l’amour trinitaire qui se donne déjà dans le premier couple humain.
Dans le mariage africain l’aspect père-mère prévaut sur l’aspect époux-épouse. Le mari y est considéré avant tout comme le père (ou le futur père), la femme comme la mère (ou future mère) de leurs enfants. La femme et le mari ne sont pas vraiment époux que du jour où ils ont mis au monde leur premier enfant, surtout le premier mâle.
Le mariage est donc considéré essentiellement comme source de vie. C’est la fécondité qui rend les époux pleinement époux, c’est par elle qu’ils prolongent leurs ascendants et se prolongent eux-mêmes dans leur descendance[35].
Cette citation ne donne de sa pleine lumière théologique qu’en rapport avec la spiritualité matrimoniale de l’A. Mulago le fait en reprenant, en 1972[36], le thème de la famille dans sa configuration africaine en relation avec la Trinité. Ce n’est pas une nouveauté, parce que l’A. reprend ici le texte qu’il avait publié en 1969 avec son collègue Th. Theuws[37]. La reprise de ce texte par Mulago seul marque l’importance théologique qu’a l’étude pour l’A. lui-même. Pour nous, cette reprise vient à bon point. Elle nous permet d’éclairer la question de l’analogie familiale dans la Trinité à partir du couple humain « époux-épouse, vice versa ».
Mulago cherche une spiritualité de la famille (Jamaa) africaine. Il ne cherche pas d’abord de trouver une correspondance dans la famille humaine des analogies trinitaires en vue d’éclairer le mystère de la Trinité. Ce qu’il cherche c’est partir « de la ‘Jamaa’ (la Famille) trinitaire » pour fonder en elle, le « modèle du foyer chrétien ». C’est le mystère de la Trinité qui éclaire la famille (Jamaa) et pas le contraire. La question que Mulago se pose donc est celle de savoir comment le mystère de la Trinité est le modèle de la famille africaine. Voici sa réponse :
1. Dieu = Vie féconde et Amour communicatif dans une communauté de Trois. Le mystère de la Trinité est le principe de la vie qui anime les membres de l’Église :
Dieu est Père ;
Dieu est Fils ;
Dieu est Amour mutuel, Don réciproque du Père et du Fils[38].
2. La ‘‘Jamaa’’ (la Famille) trinitaire, modèle du foyer chrétien :
a) La paternité (ubaba) et la maternité (umama) des époux l’un vis-à-vis de l’autre. L’époux est père de son épouse, et l’épouse, mère de son époux.
b) Filiation réciproque. Le mari est fils de sa femme, et la femme fille de son mari.
Ainsi, le premier enfant d’une femme chrétienne, c’est son propre mari, et la première enfant d’un chrétien marié, c’est sa femme.
c) Amour et don total. Les époux tâchent d’imiter la Trinité dans leurs relations interpersonnelles [...] Cette paternité ou maternité, cette filiation et cet amour mutuel s’étendent à tous les wajamaa et à tous les membres du Corps mystique du Christ, ainsi qu’à tous les hommes [...] L’idéal serait de faire de toute la paroisse, de tout le diocèse, de toute l’humanité une Jamaa, une communauté, une famille : ‘Qu’ils soient un’ (Jn. 17, 11)[39].
Il n’y a aucun doute ici que l’A. cherche à poser l’égalité et la condignité des époux. En même temps, il y a une nette option pour le caractère dynamique dans les relations d’origine qui déterminent les liens entre ces époux. Pour Mulago, le troisième terme dans les relations sponsales n’est pas à identifier d’abord avec une hypostase différente de deux parents pris ensemble. Dit d’une autre façon, il n’y a pas d’identité stricte entre le nous conjugal et la génération réelle de la descendance. Cette affirmation se trouve dans l’énoncé de la filiation réciproque entre les époux. Dans les relations qui tissent la paternité/maternité strictement identique à l’être époux/épouse, la filiation est une condition anthropologique nécessaire des parties en commerce. Mais, cette filiation est le fait de « naître » de l’époux et de l’épouse, l’un de l’autre et vice versa.
Et pourtant, nous ne sommes pas cloués dans une relation dyadique autosuffisante et exclusive des autres. La paternité, la maternité et la filiation des époux l’un pour l’autre, vice versa, conduisent à une interpersonnalité ouverte à la famille clanique et universelle. Il est évident que c’est l’idée de la famille nucléaire qui vient en premier lieu. Il est aussi clair que c’est à cette famille restreinte que la Famille trinitaire est mise en relation analogique. Cependant, l’on ne peut ne pas noter ici que plusieurs logiques entrent en jeux dans cette affirmation analogique.
D’abord, celle qui consiste à identifier analogiquement la famille restreinte avec la Trinité. En effet, l’A. affirme une vraie existence de la « Jaama trinitaire ». Le caractère restreint de la famille en Dieu ne tient pas au nombre, mais au caractère univoque et exclusif de sa communion-participation. Dieu est famille de telle sorte qu’aucune autre réalité créée ne peut l’être. Ensuite, l’accent porte sur la causalité exemplaire qu’exerce la Famille trinitaire sur le « foyer chrétien ». C’est dire que, ce n’est pas parce que le foyer chrétien est trinaire ou tripartite (Père, Mère et Descendance) que la Trinité est Famille (Père, Fils et Esprit-Saint). Au contraire, c’est parce qu’en Dieu il existe réellement la plénitude d’être famille que le foyer chrétien doit se modeler à son image.
Comme conséquence immédiate, on ne peut s’attendre que Mulago identifie chacune des Personnes divines avec les trois composantes du foyer chrétien. Mulago vise l’imitation que la famille humaine doit faire de la vie trinitaire. Au fond, l’analogie de Mulago vise le mode d’être (modus essendi) et d’agir (modus operandi) des personnes plutôt que leur ontologie, leur nombre et leur taxis[40]. Il y a, en outre, la question subtile du rapport qui existe entre le « foyer chrétien » et la famille identifiée à toute l’humanité, passant par le Corps mystique du Christ. Au lieu d’opposer le foyer chrétien à la famille clanique, le ‘Clan’ du Christ et à toute l’humanité, Mulago les intègre tous dans une harmonie qui débouche sur la dépendance mutuelle de tout dans la globalité. C’est ici une mise en relief évidente du caractère communautaire du mariage bantu et de sa famille clanique. A ne pas oublier que ce caractère est premier chez lui. Dans la théologie du mariage et famille de Mulago, le caractère communautaire constitue le point de démarcation majeure entre la vision occidentale et la vision africaine[41].
En plus, le problème qui n’est pas à négliger est celui lié au renversement des positions familiales. Nous pensons que ce renversement obéit à la logique des initiations africaines. Même si le diagramme est trinaire « père/mère/enfant », il est impossible, selon cette vision de mettre une hiérarchie au sens d’un pouvoir subjuguant. Au contraire, sous le fond de l’union vitale, il y a une forte prédominance de la circularité familiale, de l’égalité et du respect réciproque, signes de l’amour mutuel qui se déploie dans la fécondité[42].
Cependant, dans cette famille il y a des notes qui ne peuvent changer : le père demeure tel, vis-à-vis de son épouse et la descendance ; de même, la mère demeure telle tant pour l’époux que pour la descendance. Chez Mulago, il y a donc deux types de filiation. La première constitutive à toute relation sponsale c’est-à-dire celle qui existe entre les partenaires. La seconde constitutive, mais peut manquer sans pourtant alterner l’image trinitaire de la famille, est celle qui s’identifie avec la filiation différente du père et de la mère.
D’après Mulago l’épouse et l’époux sont, de manière identique et simultanée, les premiers-nés de toute famille restreinte africaine. Dans cette logique, la plénitude de la famille nucléaire n’attend pas nécessairement un autre pôle différent des premiers-nés qui sont l’époux et l’épouse, vice versa. Dans cette même perspective, l’épouse et l’époux sont mère et père d’eux-mêmes comme ils sont également et au même moment fils et fille, vice versa.
L’on voit que sur le plan proprement dogmatique l’application à la Trinité, même de façon analogique, de ces concepts anthropologiques et de leur interpersonnalité est absolument délicate. Mulago l’a bien compris et il ne l’a pas fait. Il a bien distingué la visée pastorale de son exposé et l’entreprise dogmatique qu’impliquerait cette analogie familiale restreinte. Une impossible application de cette analogie introduirait une identité stricte entre toutes les personnes de la Trinité contredisant et niant ainsi l’inascibilité du Père et le fait que l’Esprit Saint ne procède pas par engendrement, ni le Fils n’est tel par spiration. Mulago garde sauve la distinction nécessaire entre l’ousie et l’hypostase divine.
Dans la Trinité l’égalité, l’unité et la périchorèse entre les hypostases divines ne conduisent nullement au fait que le Père soit le Premier Fils de son Fils; le Verbe le Premier-né de l’Esprit-Saint ; ni l’Esprit le Premier Fils du Père et/ou du Fils. Dans la Trinité seule la première personne engendre et spire sans qu’elle-même ne provienne d’aucun autre principe; seul le Verbe est engendré comme Fils; seul l’Esprit est l’Amour mutuel, Don réciproque du Père et du Fils[43].
En plus, dans la Trinité ad intra, il y a une seule, unique et vraie filiation qui n’admet nullement d’enfance. Le Fils de Dieu n’est pas son enfant dans l’éternité. En effet, l’enfance est une étape qui implique une croissance vers une maturité pleine que la personne n’atteint que par le mystère de sa mort. La chose change dans la Trinité économique. Une personne divine assume vraiment l’enfance. Cette personne est à la fois Fils (personne) et enfant (personnalité créée) de Dieu.
Le manque de correspondance réciproque entre cette vision de la parentalité (Jamaa) et la Trinité, pousse à une nouvelle intelligence du concept de la famille. Mulago s’est rendu compte du fait que le sens du mot Jamaa, tel qu’il l’expliquait, ne pouvait être appliqué aux trois hypostases, au risque de détruire les distinctions personnelles et l’ordre trinitaire. Cependant, le plus important c’est le fait que Mulago montre que l’Église et même toute l’humanité, pour vivre conformément à l’Évangile et répondre à l’idéal du mouvement afro-chrétien la Jamaa, doivent suivre le Dieu Trinité qui est leur modèle. Mulago ne s’intéresse pas à la maternité de Dieu et en Dieu. Il ne cherche pas de correspondance entre la Trinité et la famille humaine nucléaire. Il affirme que Dieu est Famille en lui-même (ou participation-communion univoque) que doivent suivrent les familles humaines tant dans leur structure de foyer, de clan, d’Église que d’humanité.
Le contexte sociopolitique qui a vu naître la pensée de Mulago est un moment crucial pour l’Afrique Noire. Il s’agit des indépendances politiques, de l’affirmation de l’identité africaine niée par des faits historiques dévastateurs et du début de la déception du pouvoir exercé par les Africains eux-mêmes. Face à cette situation, Mulago répond en montrant que la famille africaine doit être la source anthropologique nouvelle, analogie du mystère fontal, en vue de régénérer des espoirs nouveaux. La famille est utilisée comme analogie de la Trinité pour signifier l’égalité des personnes humaines à travers tout l’univers[44]. Au niveau proprement dogmatique, il me semble qu’une des limites de Mulago tient au fait qu’il ne développe pas une pneumatologie spécifique à sa théologie dont la base anthropologique est à la fois clanique et familial au sens restreint[45]. Mais, il n’y a pas de doute que ses concepts d’union vitale et de force vitale pouvaient être identifiés analogiquement à l’Esprit-Saint. Cette identification pouvait conduire l’A., probablement, à des nouvelles perspectives systématiques[46]. Ce chantier est à bâtir par sa postérité. C’est dire que même si Mulago n’a pas écrit un traité de théologie trinitaire, sa pensée ne reste pas moins stimulante pour le développement de la théologie congolaise du XXIe siècle.
Quant à moi, je trouve très suggestive le fait que Mulago ne pose pas d’identification entre le nous conjugal et la personne du fils ou de la fille dans la famille nucléaire. Je crois que ceci devrait faire penser certains théologiens qui, hâtivement, passent du nous qui découle personnalisme grammatical (je–tu–nous) au nous absolument et toujours différentiel de l’union morale dans le mariage. Ce passage est aussi hâtivement fait du nous de l’union morale à l’identité ontologique d’un descendant. L’on oublie que la filiation n’est pas une abstraction, ni une unité morale, mais une concrétude toujours unique, à cause de la consubstantialité spécifique de tout fils et/ou de toute fille.
Ces différents passages d’ordre comporte une réduction de la descendance, qui est toujours hypostasiée individuellement, à n’être qu’une prolongation morale de sa parentalité. Nous qui sommes mariés et qui avons des enfants expérimentons quotidiennement le fait que notre descendance veut, déjà à bas âge, ne pas être confondue avec notre nous conjugal parental. La volonté commune des parents d’avoir un/e descendant/e ne détermine pas non seulement la psychologie, ni également l’acte d’être de la descendance. Dans le mariage, l’enfant n’est pas seulement et exclusivement le fruit de l’amour parental. Il est également le fruit réel d’un flux de vie qui dépasse et surpasse les géniteurs. Il est une personne originale qui ne se réduit pas à ses relations d’origine et leur fondement volitif.
Au niveau des modes d’être, l’on peut et même l’on doit dire que tout enfant s’engendre lui-même par un jeu continuel de différentiation non seulement parental, mais aussi social et cosmique. De même, toujours au niveau des modes d’être, l’enfant engendre ses parents à une nouvelle manière d’être eux-mêmes et de leur autocompréhension. L’engendrement est ici un flux vital des relations réciproques très dynamiques qui, sans affecter l’acte d’être personnel dans son altérité marquée par la communion spécifique, se moque de la fixité et de l’idéalisme d’un nous à la fois grammatical et moral.
Cela étant, ma préoccupation par rapport à la théologie de Mulago tient à son affirmation sur le nom de Dieu comme « Père » dans la RA. Il le considère comme le résumé de tous les attributs de Dieu. D’autres part, nous venons de voir que Mulago affirme en même temps que ce même « Dieu est Père ; Dieu est Fils, Dieu est Esprit-Saint ». L’identification entre la doctrine de Dieu en la RA et en christianisme pose problème. En effet, si « Père » est le nom qui résume tous les autres, comment un chrétien africain peut éviter de faire du Fils et de l’Esprit-Saint qu’ils soient aussi « Père » ? Une autre question est celle de savoir si le nom Père résume tous les attributs de Dieu, comment éviter l’existence en Dieu d’une hypostase qui se définirait par elle-même ? Il s’agit ici de la question très débattue aujourd’hui, en théologie trinitaire, de l’existence ou non, d’une hypostase absolue dans la Trinité. L’existence d’une telle hypostase identique au Père est soutenue par des théologiens occidentaux sur la base du fait que la première personne de la Trinité est le Principe sans principe, Source sans origines et des autres hypostases divines et du monde créé[47]. Mulago, le Maître de la théologie africaine, n’a pris ce chemin hasardeux.
[1] Un visage africain du christianisme. L’union vitale bantu face à l’unité vitale ecclésiale, Paris, Présence Africaine, 1965, p. 148.
[2] Ibid., p. 177.
[3] Lire aussi KALAMBA Nsapo, S., Tendenze attuali della teologia africana, dans GIBELLINI, R., Prospettive teologiche per il XXI secolo, Brescia, Queriniana, 2003, 113-148, p. 117 et 119-120 ; BUJO, B., Vincent Mulago. Un Passionné de la Théologie Africaine, dans BUJO, B. et ILUNGA Muya, J., Théologie africaine au XXe siècle. Quelques figures, Vol. I., Fribourg Suisse, Ed. Univ. Fribourg Suisse, 2002, p. 11-34, p. 13-16 ; AA. VV., Inculturation et libération en Afrique aujourd’hui. Mélanges en l’honneur du Professeur Abbé Mulago Gwa Cikala, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1990 ; AA. VV., Interpellations, o. c. ; AA. VV., Combats pour un christianisme africain. Mélanges en l’honneur du Prof. V. Mulago, Kinshasa, Faculté de Théologie Catholique de Kinshasa, 1981.
[4] Un visage africain, p. 185.
[5] MULAGO gwa Cikala, M., Le Problème d’une Théologie Africaine revu à la Lumière de Vatican II, dans RCA 24, 3-4 (1969), p. 277-314, p. 286-287.
[6] Ibid., p. 287-294.
[7] Ibid., p. 295.
[8] Ibid., p. 294.
[9] MULAGO, V., Nécessité de l’adaptation missionnaire chez les Bantu, dans AA.VV., Des Prêtres noirs s’interrogent, Paris, Cerf, 1956, p. 19-40.
[10] MULAGO gwa Cikala, M., Solidarité africaine et coresponsabilité chrétienne à la lumière de Vatican II, dans AA. VV., Foi et langage humain. Actes de la Septième Semaine Théologique de Kinshasa (24-29 juillet 1972), Kinshasa, Faculté de Théologie Catholique, 1978, p. 86-134, p. 86.
[11] Ibid., p. 87.
[12] ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 299. L’on ne peut oublier que Mulago identifie « Dieu, Nyamuhanga ou Imana » avec le Père (p. 302-304).
[13] ID., Solidarité africaine…, p. 87.
[14] ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 297.
[15] ID., Solidarité africaine…, p. 88-90. Souligné par l’A.
[16] Ibid., p. 89-104.
[17] ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 297.
[18] ID., Solidarité africaine…, p. 90.
[19] ID., Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Kinshasa, Ed. Saint Paul Afrique, 1981, p. 60. C’est une thèse qui a été assumée, sans critique par beaucoup, dont BUJO, B., Teologia africana nel suo contesto sociale, Brescia, Queriniana, 1988, p. 174. Pour une position nuancée lire, MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, Fl., Santísima Trinidad, p. 37-40.
[20] MULAGO, V. et THEUWS, Th., Autour de la ‘Jamaa’, dans Cahier n°1 d’Orientation Pastorales, Limete (Léopoldville), 1960, p. 16-18. Cette étude a été reprise par MULAGO gwa Cikala, M., Solidarité africaine…, p. 126-128. Pour éviter des répétitions, l’analyse ne portera que l’étude signée par Mulago seul.
[21] Paris, Présence Africaine, 1965, p. 192-209.
[22] Ibid., p. 193.
[23] Ceci est évident même dans ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 294-298 (philosophie bantu) ; p. 298-308 (Base de l’apport [théologique] africain) ; p. 308-313 (africanisation en théologie).
[24] N’oublions pas que nous sommes ici à l’époque où, en théologie trinitaire, la discussion porte sur la remise en cause du schéma classique « Dieu Un et Trine ». Cf., RAHNER, K., Dieu dans le nouveau Testament, dans Ecrits Théologiques, t. 1, Paris, Cerf, 1971, p. 11-111.
[25] MULAGO Gwa Cikala M., La Religion Traditionnelle des Bantu et leur vision du monde, Kinshasa, CERA, 19802, p. 129 : « Nous pourrions nous étendre plus longtemps sur les attributs de Dieu chez les Bantu. Soulignons plutôt celui qui les résume. Ce Dieu unique, immatériel, tout puissant, source de toute vie et de tous les moyens vitaux, au-dessus de toutes choses et dont la providence couvre toutes ses créatures, les Bantu aiment à le considérer comme Père ».
[26] MULAGO, V., Un visage africain du christianisme, p. 194.
[27] ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 309. Comp. MATONDO Kwa Nzambi, (Mgr), Homélie prononcée au cours de la messe solennelle en rite adapté au Zaïre célébrée pour l’ouverture de la semaine théologique 1989, dans AA.VV., Théologie Africaine, p. 7-11.
[28] Ibid., p. 308-309. Je souligne.
[29] Ibid., p. 295.
[30] N’oublions pas qu’au moment où Mulago écrit, le Père Jésuite Rémy RALIBERA publie aussi son étude sur Théologien-prêtre africain et développement de la culture négro-africaine, dans Présence Africaine 2, 27-28 (1959), p. 154-187. Dans cet article, l’auteur interprète le mystère de la Trinité à partir des analogies familiales claniques (voir, p. 166-168, surtout 181-184). Evidement il serait intéressant de faire une étude comparative entre les deux auteurs. Mais telle n’est pas mon option pour le moment.
[31] ID., Le Problème d’une Théologie Africaine, p. 309.
[32] Il nous semble que pour comprendre la pensée de Mulago, il est important de la relire sur le fond de la théologie trinitaire de RICHARD De Saint-Victor, De Trin. III, 2 : « En Dieu, bien suprême et absolument parfait, se trouve la bonté totale dans sa plénitude et sa perfection. Mais où il y a plénitude de la bonté, il y a nécessairement vraie et charité suprême […] Or jamais on ne dit de quelqu’un qu’il possède proprement la charité à raison de l’amour exclusivement personnel qu’il a pour soi-même ; pour qu’il y ait proprement charité, il faut que l’amour tende vers un autre. Par conséquent, où manque une pluralité de personnes, impossible qu’il y ait charité ». Je souligne.
[33] Mulago s’éloigne aussi ici de la triadologie de Richard de Saint-Victor qui conditionne la plénitude de l’amour au troisième terme. De Trin III, 11 : « […] dans la charité véritable, l’excellence suprême est, semble-t-il, de vouloir qu’un autre soit aimé comme l’on est soi-même […] La preuve de la charité consommée est le désir que soit communiquée la dilection dont on est aimé ». Nous soulignons. Il est à remarquer qu’il y a une pleine coïncidence entre la vue du mariage traditionnel africain et la pensée de Richard de Saint-Victor en ceci : « la preuve de l’amour consommé, c’est la filiation ».
[34] Comp. St. AUGUSTIN, De Trin VIII, 8, 12 : « Tu vois la Trinité quand tu vois la charité ».
[35] MULAGO Gwa Cikala M., Mariage traditionnel, p. 60-61.
[36] ID., Solidarité africaine…, p. 126-128.
[37] Il reprend, MULAGO, V. et THEUWS, Th., a. c.
[38] Cette première partie du texte cité suit la théologie classique. Lire CODA, P., Il De Trinitate di Agostino e la sua promessa, dans Nuova Umanità 24, 140-141 (2002), p. 219-248 ; dans le même numéro, SLIPPER, C., Il Dio unitrinitario e l’experienza dell’amore, p. 365-390. On pourra aussi lire le bel exposé pastoral de YANNARAS, Ch., L’approche orthodoxe de l’amour humain, dans Contacts. Revue française de l’orthodoxie 180 (1997), p. 318-329.
[39] MULAGO gwa Cikala, M., Solidarité africaine, p. 127-128.
[40] La question reste de savoir si l’amour est un mode d’être (modus essendi [voir, YANNARAS, Ch., a. c., p. 322ss]) ou un acte d’être (actus essendi) comme le soutient FORTE, B., La dimora nella Trinità: contributo ad una ontologia trinitaria, dans CODA, P. – ŽÁK, L. (éd.), Abitando la Trinità per un rinnovamento dell’ontologia, Roma, Città Nuova, 1998, p. 109-22. La pensée de Mulago est à situer dans la deuxième option (actus essendi).
[41] MULAGO, V., Mariage traditionnel, p. 57 ; ID., Mariage africain et mariage africain. Perspectives liturgico-pastorales, dans Revue du Clergé Africain 20, 6 (1965), p. 548-554.
[42] ID., Mariage traditionnel africain, p. 60.
[43] ID., Solidarité africaine, p. 127.
[44] Ceci est aussi vérifiable dans la triadologie africaine anglophone qui tente de concilier l’utilisation socio-politique de Ujaama avec la communion trinitaire. VÄHÄKANGAS, M., African Approaches to the Trinity, dans Africa Theological Journal 23, 2 (2000), p. 33-50, p. 39-41.
[45] Ceci a été fait par contre par RALIBERA, R., a. c., p. 183 : « Cet échange continuel d’affection entre Dieu Raymandreny [Père et Mère] et son Fils Zanaka [fils (ou fille)] est le Fihavanana [parenté-amitié], l’Esprit-Saint ».
[46] La perspective de Mulago a été suivie par VONKEMAN, J., The doctrine of Trinity in Africa, dans Missionalia 1, 3 (1973), p. 147-155. Ce denier a identifié le Père à la Vie originante, le Fils à la Vie originée et l’Esprit-Saint à la Médiation entre le Père et le Fils. Pour plus d’informations, MUZUMANGA Ma-Mumbimbi, Fl., Trinidad y África Negra, dans Estudios Trinitarios 36, 1 (2002), p. 3-67, p. 47-52.
[47] Les débats dans LADARIA, L. F., La Trinidad misterio, p. 145.

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